Yves Messarovitch - Monsieur Camdessus, vous êtes l'un des neuf membres du Comité (1) chargé d'élaborer le projet de réforme de la gouvernance du Fonds monétaire international. Celui-ci a fait l'objet d'intenses discussions, mais aussi d'importantes décisions, lors du sommet du G20, qui s'est tenu à Londres, le 2 avril dernier. Cette réforme jette les bases d'un nouveau FMI mieux armé pour affronter et corriger les dérèglements financiers du XXIe siècle. Quels en sont les objectifs ?
Michel Camdessus - Ce rapport d'experts, auquel j'ai participé sous la présidence de Trevor Manuel, avec Amartya Sen, Kenneth Dam, Robert Rubin et cinq autres personnalités, fixe trois objectifs essentiels. Il s'agit, premièrement, de faire monter en puissance les pays pauvres et les pays émergents au sein de l'institution. Deuxièmement, d'étendre les travaux du FMI à l'ensemble des transactions, pas seulement monétaires, comme c'est actuellement le cas, mais aussi financières. Et troisièmement, de donner à l'institution puissante ainsi recréée la « gouvernance lui permettant de remplir sa mission ».
L'idée consiste à adapter une institution issue de la Seconde Guerre mondiale aux réalités du XXIe siècle. La réforme, qui donnerait plus de pouvoirs aux pays émergents et en développement, devrait être examinée au cours de la seconde étape des travaux du G20 et, en tout état de cause, avant janvier 2011.
La réforme proposée est de vaste ampleur. Depuis l'origine, en effet, le Fonds est géré par une instance technocratique - le Conseil d'administration - aux côtés de laquelle siège une instance politique - le Comité monétaire, économique et financier - qui se réunit trois fois par an, mais qui ne dispose que d'un pouvoir consultatif.
Si nos propositions étaient adoptées, le Conseil d'administration aurait pour mission de préparer les délibérations d'un « Collège », instance politique qui arrêterait les décisions de nature systémique.
Y. M. - Le FMI ne sera-t-il pas doté de pouvoirs exorbitants ?
M. C. - Non, mais il faut veiller à ce que l'institution détentrice de ces pouvoirs soit parfaitement légitime. Il faut, en particulier, changer les procédures de désignation des dirigeants. Jusqu'à présent, ce sont les Européens qui élisent le directeur du FMI et les Américains le président de la Banque mondiale. Cette pratique anachronique doit disparaître. Le sommet du G20, qui s'est tenu à Londres le 2 avril, a d'ailleurs souligné qu'à l'avenir les dirigeants de l'institution « devaient être nommés et sélectionnés via un mécanisme transparent et basé sur le mérite ». Il faut au surplus, je le répète, y faire une plus large place aux pays pauvres et émergents.
Un autre enjeu est la nécessaire disparition du droit de veto actuellement exercé par les grandes puissances. Dans la configuration actuelle, les décisions importantes requièrent une majorité de 85 % des voix. Cette règle implique que les États-Unis, parce qu'ils possèdent 17 % des droits de vote, disposent d'une capacité de blocage. Dès qu'ils parleront d'une seule voix, les Européens partageront ce droit de veto. La nouvelle structure serait plus démocratique puisqu'il est proposé d'abaisser …
Michel Camdessus - Ce rapport d'experts, auquel j'ai participé sous la présidence de Trevor Manuel, avec Amartya Sen, Kenneth Dam, Robert Rubin et cinq autres personnalités, fixe trois objectifs essentiels. Il s'agit, premièrement, de faire monter en puissance les pays pauvres et les pays émergents au sein de l'institution. Deuxièmement, d'étendre les travaux du FMI à l'ensemble des transactions, pas seulement monétaires, comme c'est actuellement le cas, mais aussi financières. Et troisièmement, de donner à l'institution puissante ainsi recréée la « gouvernance lui permettant de remplir sa mission ».
L'idée consiste à adapter une institution issue de la Seconde Guerre mondiale aux réalités du XXIe siècle. La réforme, qui donnerait plus de pouvoirs aux pays émergents et en développement, devrait être examinée au cours de la seconde étape des travaux du G20 et, en tout état de cause, avant janvier 2011.
La réforme proposée est de vaste ampleur. Depuis l'origine, en effet, le Fonds est géré par une instance technocratique - le Conseil d'administration - aux côtés de laquelle siège une instance politique - le Comité monétaire, économique et financier - qui se réunit trois fois par an, mais qui ne dispose que d'un pouvoir consultatif.
Si nos propositions étaient adoptées, le Conseil d'administration aurait pour mission de préparer les délibérations d'un « Collège », instance politique qui arrêterait les décisions de nature systémique.
Y. M. - Le FMI ne sera-t-il pas doté de pouvoirs exorbitants ?
M. C. - Non, mais il faut veiller à ce que l'institution détentrice de ces pouvoirs soit parfaitement légitime. Il faut, en particulier, changer les procédures de désignation des dirigeants. Jusqu'à présent, ce sont les Européens qui élisent le directeur du FMI et les Américains le président de la Banque mondiale. Cette pratique anachronique doit disparaître. Le sommet du G20, qui s'est tenu à Londres le 2 avril, a d'ailleurs souligné qu'à l'avenir les dirigeants de l'institution « devaient être nommés et sélectionnés via un mécanisme transparent et basé sur le mérite ». Il faut au surplus, je le répète, y faire une plus large place aux pays pauvres et émergents.
Un autre enjeu est la nécessaire disparition du droit de veto actuellement exercé par les grandes puissances. Dans la configuration actuelle, les décisions importantes requièrent une majorité de 85 % des voix. Cette règle implique que les États-Unis, parce qu'ils possèdent 17 % des droits de vote, disposent d'une capacité de blocage. Dès qu'ils parleront d'une seule voix, les Européens partageront ce droit de veto. La nouvelle structure serait plus démocratique puisqu'il est proposé d'abaisser …
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