La Russie a perdu en quelques mois entre le tiers et la moitié de ses 600 milliards de dollars de réserves pour soutenir le rouble (avant de dévaluer de 30%) ; elle a vu sa Bourse chuter de 70 % ; et doit faire face à une baisse de près de 20 % de sa production industrielle. Si Vladimir Poutine envisageait en mai 2008 neuf « outils » pour rattraper l'Ouest d'ici à 2020 (2), il va devoir réviser sa copie. Quant à la Chine, elle ferme des dizaines de milliers d'usines, notamment sur la côte, 20 % de l'épargne chinoise se trouve dans des banques dont la solvabilité est douteuse, et le pays découvre les limites du modèle d'« atelier du monde » qui a fait sa fortune et permis la survie du régime. Ceux qui, en Chine, prédisaient en 2008 le remplacement du dollar par le yuan comme valeur-étalon sont revenus sur terre (3).
La vraie question qui se pose aujourd'hui à ces deux pays est celle de l'ampleur des dommages non seulement économiques, mais aussi sociaux et politiques qu'ils auront à subir (4). L'un et l'autre ont des problèmes très différents : l'économie russe vit de son gaz, de son pétrole et de ses matières premières, tandis que la Chine doit trouver à l'extérieur la quasi-totalité des ressources énergétiques nécessaires à son développement. La baisse des cours mondiaux les affecte donc de façon diamétralement opposée, pénalisant Moscou et favorisant Pékin.
L'une a une démographie déclinante, avec une perte de 700 000 individus par an ; l'autre la plus vaste population de la planète (1,3 milliard d'individus) dont on parle désormais comme d'un « gigantesque marché intérieur », une expression dont on verra les limites. Mais, dans les deux cas, la croissance dépend du dynamisme de la demande …