Les Grands de ce monde s'expriment dans

AFGHANISTAN-PAKISTAN : UN MEME PERIL

En 2008, le Pentagone a demandé à la Rand Corporation - l'un des plus prestigieux think tanks américains - d'évaluer la situation du renseignement en Afghanistan. Les experts de ce centre de recherches se sont rendus sur place et ont interrogé quelque 300 officiers et diplomates de tous niveaux. Leur rapport, qui ne compte pas moins de 318 pages, aurait dû rester secret. C'était sans compter avec les fuites, de plus en plus fréquentes au sein de l'administration américaine. Il vient donc d'apparaître sur la toile. Et il dresse un bilan absolument accablant de la bataille du renseignement en Afghanistan - une bataille que l'on dirait menée par des amateurs et en dépit du bons sens. Hélas, les lacunes que l'on constate dans ce domaine sont loin d'être les seules faiblesses de l'opération que la communauté internationale conduit depuis maintenant presque huit ans dans ce pays...Flottements dans le renseignement
On apprend, dans le rapport de la Rand, que les pilotes de F-16 de l'armée de l'air hollandaise, lorsqu'ils partent en mission de bombardement à la demande de l'état-major américain, n'ont pas le droit de savoir s'ils ont ou non atteint leurs objectifs et réussi leurs missions. De retour à leur base, il leur est en effet impossible d'avoir accès aux rapports évaluant les dommages infligés à l'ennemi (1). La raison ? L'armée américaine les a déjà classifiés «secret défense», ce qui rend leur consultation impossible.
Autre exemple de bureaucratie invraisemblable : les forces de la coalition déployées sur la grande base de Camp Holland, près de Tarin Kot, dans le sud du pays, ont mis en place treize bureaux de renseignement différents - américain, hollandais, australien, émirati (2)... Et, en général, chacun de ces bureaux ignore ce que font les autres. D'où ce constat du lieutenant Neils Verhoef, l'un des officiers interrogés par les chercheurs : « Il nous aurait été très utile de travailler ensemble. Nous avons mis trois mois à localiser un atelier de fabrication de IED (Improvised explosive devices-les engins explosifs utilisés par les insurgés) (3)... qu'un autre bureau de renseignement avait localisé depuis longtemps. »
Cette désorganisation est d'autant plus regrettable que, dans le conflit afghan comme dans toutes les guerres de contre-insurrection, le renseignement joue un rôle capital. C'est même l'arme No 1 face à une guérilla largement insaisissable, imprévisible, extrêmement mobile et très offensive, qui n'a cessé de gagner du terrain depuis l'automne 2005, au point d'atteindre les faubourgs de Kaboul. Or en lisant le rapport de la Rand, on découvre que cette bataille du renseignement est souvent conduite de façon ubuesque et qu'elle a donc été perdue.
Si seulement le renseignement était l'unique problème de la coalition ! Mais la conduite de la guerre, tout comme la reconstruction du pays, la lutte contre la culture du pavot et le trafic de drogue, ou encore la gouvernance du président Hamid Karzaï représentent autant de soucis. Pourtant, après la chute des talibans, à l'hiver 2001, l'édification d'un Afghanistan nouveau aurait pu se révéler une « …