La politique étrangère américaine, Richard Haass en est un éminent spécialiste depuis trente ans. Docteur en philosophie de l'université d'Oxford, ce natif de Brooklyn a commencé sa carrière au Pentagone puis, très vite, il a rejoint le Département d'État à l'arrivée de Ronald Reagan à la Maison Blanche. De 1989 à 1993, il est l'assistant spécial de George Bush et siège au Conseil national de sécurité (NSC) où il supervise les questions moyen-orientales ainsi que celles de l'Asie du Sud. Il retourne aux affaires sous la présidence de George Bush junior mais démissionne de ses fonctions de directeur de la planification du Département d'État en juin 2003 : Haass est un internationaliste pragmatique, un républicain partisan du multilatéralisme, de la diplomatie et des institutions internationales, appartenant à l'aile Rockefeller de la famille républicaine, dans la lignée de Kissinger et de Scrowcroft. Avec les durs de l'administration Bush, notamment Cheney et Rumsfeld, il est en désaccord sur tous les dossiers ou presque, notamment sur ceux de la Corée du Nord, de l'Afghanistan, du réchauffement climatique et, plus encore, sur celui de l'Irak. Dans son livre The Opportunity, publié en 2005, il qualifie d'ailleurs le conflit d'« injustifié et infondé » - des critiques qu'il a réitérées très récemment dans son dernier ouvrage War of Necessity, War of Choice : A Memoir of Two Iraq Wars.Depuis 2003, Haass est devenu un sage de la politique étrangère américaine : il est le président du Council on Foreign Relations, un puissant think tank non partisan et, expert respecté, il a été consulté par John McCain et Barack Obama lors de la dernière campagne présidentielle. Commentateur régulier des affaires du monde pour Newsweek, Richard Haass est l'interlocuteur idéal pour analyser les premiers pas de Barack Obama à la tête de la première puissance mondiale.
O. G. Olivier Guez - Barack Obama vient de boucler les premiers mois de sa présidence. Comment jugez-vous ses débuts en politique étrangère ?
Richard Haass - On peut déjà entrevoir les grandes lignes de la diplomatie « obamienne » bien que le nouveau président n'ait pas encore affronté de crise diplomatique majeure. Or c'est dans les crises que les présidents s'affirment ou qu'une politique étrangère peut brusquement changer de cap. Notez qu'il lui reste encore 1 000 jours pour imposer son style ! Plus sérieusement, on discerne quelques tendances de fond : il est un partisan du multilatéralisme, de la diplomatie au sens traditionnel du terme ; c'est aussi un pragmatique. D'une certaine manière, la politique étrangère d'Obama renoue avec la grande tradition de la diplomatie américaine : il cherche à atténuer les différends, à trouver des compromis, à réorienter la politique étrangère des autres gouvernements plutôt qu'à transformer leur nature fondamentale. Jusqu'à présent, sa politique étrangère me rappelle celle de George Bush-père.
O. G. - De quelle manière ?
R. H. - Son fils, George W. Bush, se situait dans la lignée de Woodrow Wilson : sa politique étrangère avait pour but et, à la limite, pour « mission » de bouleverser l'ordre politique des autres pays, à la fois pour des raisons morales - la foi en la démocratie - et pour des raisons pratiques. Bush junior croyait que la démocratie produisait de meilleurs citoyens et qu'il était plus facile de s'entendre entre démocrates. La politique étrangère d'Obama, elle, n'est pas fondée sur la promotion de la démocratie. Elle est plus réaliste, comme l'était celle de Bush-père. Elle est légèrement moins ambitieuse, plus en phase avec la situation actuelle des États-Unis (dispersés militairement et affaiblis économiquement) et largement tributaire de la situation géopolitique - plutôt délicate - qu'il a héritée de son prédécesseur.
O. G. - On nage en plein paradoxe. D'un côté, les États-Unis n'ont jamais semblé aussi faibles depuis des décennies ; de l'autre, les attentes qu'ils suscitent et l'aura de leur président n'ont jamais été aussi fortes...
R. H. - Vous forcez un peu le trait ! En réalité, l'Amérique n'a jamais été aussi puissante que certains l'ont cru ou craint, et elle n'est pas aussi touchée par la crise qu'on le suggère aujourd'hui - même si, nul ne peut le nier, elle traverse de sérieuses difficultés. Notre PNB est toujours d'environ 14 billions de dollars et représente encore un quart de la richesse mondiale. Le dollar demeure la monnaie de réserve internationale ; les États-Unis restent le marché vers lequel convergent les biens du monde entier. Bien que notre situation économique se soit dégradée, nos atouts structurels ne se sont pas évanouis d'un coup : la taille de notre économie, le rôle unique du dollar, l'importance du marché américain, notre capacité d'innovation. Ce pays va se reprendre, il va guérir ; j'en ai la certitude. Le plan de relance d'Obama va finir par porter ses fruits, d'ici à la fin de l'année ou au début …
O. G. Olivier Guez - Barack Obama vient de boucler les premiers mois de sa présidence. Comment jugez-vous ses débuts en politique étrangère ?
Richard Haass - On peut déjà entrevoir les grandes lignes de la diplomatie « obamienne » bien que le nouveau président n'ait pas encore affronté de crise diplomatique majeure. Or c'est dans les crises que les présidents s'affirment ou qu'une politique étrangère peut brusquement changer de cap. Notez qu'il lui reste encore 1 000 jours pour imposer son style ! Plus sérieusement, on discerne quelques tendances de fond : il est un partisan du multilatéralisme, de la diplomatie au sens traditionnel du terme ; c'est aussi un pragmatique. D'une certaine manière, la politique étrangère d'Obama renoue avec la grande tradition de la diplomatie américaine : il cherche à atténuer les différends, à trouver des compromis, à réorienter la politique étrangère des autres gouvernements plutôt qu'à transformer leur nature fondamentale. Jusqu'à présent, sa politique étrangère me rappelle celle de George Bush-père.
O. G. - De quelle manière ?
R. H. - Son fils, George W. Bush, se situait dans la lignée de Woodrow Wilson : sa politique étrangère avait pour but et, à la limite, pour « mission » de bouleverser l'ordre politique des autres pays, à la fois pour des raisons morales - la foi en la démocratie - et pour des raisons pratiques. Bush junior croyait que la démocratie produisait de meilleurs citoyens et qu'il était plus facile de s'entendre entre démocrates. La politique étrangère d'Obama, elle, n'est pas fondée sur la promotion de la démocratie. Elle est plus réaliste, comme l'était celle de Bush-père. Elle est légèrement moins ambitieuse, plus en phase avec la situation actuelle des États-Unis (dispersés militairement et affaiblis économiquement) et largement tributaire de la situation géopolitique - plutôt délicate - qu'il a héritée de son prédécesseur.
O. G. - On nage en plein paradoxe. D'un côté, les États-Unis n'ont jamais semblé aussi faibles depuis des décennies ; de l'autre, les attentes qu'ils suscitent et l'aura de leur président n'ont jamais été aussi fortes...
R. H. - Vous forcez un peu le trait ! En réalité, l'Amérique n'a jamais été aussi puissante que certains l'ont cru ou craint, et elle n'est pas aussi touchée par la crise qu'on le suggère aujourd'hui - même si, nul ne peut le nier, elle traverse de sérieuses difficultés. Notre PNB est toujours d'environ 14 billions de dollars et représente encore un quart de la richesse mondiale. Le dollar demeure la monnaie de réserve internationale ; les États-Unis restent le marché vers lequel convergent les biens du monde entier. Bien que notre situation économique se soit dégradée, nos atouts structurels ne se sont pas évanouis d'un coup : la taille de notre économie, le rôle unique du dollar, l'importance du marché américain, notre capacité d'innovation. Ce pays va se reprendre, il va guérir ; j'en ai la certitude. Le plan de relance d'Obama va finir par porter ses fruits, d'ici à la fin de l'année ou au début …
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