Après plusieurs dizaines d'années de troubles et de combats meurtriers, le Kosovo est devenu un État indépendant. Au lendemain de l'intervention de l'Otan, en 1999, il fut placé sous administration des Nations unies, l'examen du statut définitif étant reporté à plus tard. En attendant, la résolution 1244 accordait à la communauté albanaise une autonomie très substantielle ainsi que des institutions démocratiquement élues. Pendant des années, la question du Kosovo resta dans l'impasse : d'un côté, Belgrade ne voulait pas entendre parler d'indépendance ; de l'autre, les autorités kosovares ne parvenaient pas à imposer leurs vues à une communauté internationale largement divisée. Ce long statu quo contribua à radicaliser les opinions publiques serbe et albanaise, tout en paralysant le développement économique du territoire. Mais chacun savait bien que l'indépendance était inévitable. Comment le Kosovo aurait-il pu réintégrer le giron d'une Yougoslavie qui s'était dissoute dans le tourbillon des guerres ?La négociation menée en 2007 par le Finlandais Martti Ahtisaari se solda par un échec. Mais le « plan Ahtisaari » (1) devait désormais servir de base au gouvernement kosovar issu des élections de novembre 2007 pour construire son futur État. En février 2008, le Parlement de Pristina déclara unilatéralement l'indépendance, mettant ainsi fin à une situation ambiguë qui durait depuis neuf ans.
L'indépendance a marqué le retrait de la Mission intérimaire des Nations unies au Kosovo (Minuk). Celle-ci fut remplacée en décembre 2008 par la mission européenne Eulex dont l'objectif principal est d'aider les Kosovars à assurer le respect de toutes les communautés vivant sur leur territoire et de jeter les bases d'un état de droit. Le plan Ahtisaari exclut toute idée de « Grande Albanie » : les Albanais constituent une nation et deux États, ayant tous deux vocation à rejoindre la grande famille européenne.
Pour l'heure, 60 pays ont reconnu l'indépendance du Kosovo, mais le président Sejdiu, qui a succédé en 2006 à Ibrahim Rugova, se veut optimiste : la barre des 90 États nécessaires pour entrer à l'ONU sera - dit-il - franchie avant la fin de 2009...
I. M. Ilda Mara - Après de longues années de combats diplomatiques, le Kosovo a enfin accédé à l'indépendance. Quels sont à présent les grands défis auxquels vous devez faire face ?
Fatmir Sejdiu - Vous avez raison, cette page de notre histoire est désormais tournée. Nous en avons fini avec les guerres et les massacres. Et, après de longues décennies, nos efforts pour faire du Kosovo un État souverain et indépendant ont enfin été couronnés de succès. À ce jour, 60 pays ont reconnu notre État. Ce résultat est d'autant plus appréciable qu'il s'agit majoritairement de grands pays, qui occupent une place considérable dans le monde (États-Unis, France, Italie, Grande-Bretagne, Allemagne, etc.).
À présent, les défis majeurs sont d'ordre économique. Mais le Kosovo est bien armé pour y faire face : il possède d'importantes ressources naturelles et a la chance de compter parmi sa population un grand nombre de jeunes formés dans les meilleures universités étrangères.
Notre société a subi de profonds traumatismes et, naturellement, il lui faudra du temps pour panser ses plaies et aboutir à une véritable réconciliation entre les ennemis d'hier. Pour l'heure, la communauté serbe refuse, au nom de je ne sais quel sentiment de supériorité, de s'intégrer pleinement à la vie institutionnelle du pays. Pourtant, tout a été fait pour que les Serbes se sentent aussi chez eux et soient associés au fonctionnement des institutions kosovares, qu'il s'agisse de l'administration ou du gouvernement. Ils ont même plus de droits que la majorité albanaise ! La Constitution, qui s'inspire du plan Ahtisaari, offre aux minorités de larges garanties. Des garanties qui ont été précisées et approfondies par le Parlement dans quelque 41 lois spécifiques. Conformément aux principes Badinter, les Serbes disposent de 10 sièges sur 120 au Parlement. Ce système n'est pas vraiment démocratique, mais c'est un bon moyen de préserver leurs droits. Qu'ils participent ou non aux élections, qu'ils gagnent ou qu'ils perdent, leur place est garantie dans les institutions kosovares.
Si ce processus a pu avoir lieu, c'est parce que les esprits ont mûri et que la majorité albanaise n'est plus animée par une soif de revanche. Nous souhaitons clore ce chapitre tragique, qui a laissé des traces profondes dans notre mémoire ; nous voulons aujourd'hui ouvrir le chemin qui nous mènera à la porte de l'Union européenne et de l'Otan - et cela, afin d'assurer la paix et la sécurité dans toute la région.
I. M. - Quelles sont les menaces qui planent sur votre pays ?
F. S. - Cela fait neuf ans que nous sommes sortis de la guerre, et notre parcours n'a pas été facile. Neuf ans pendant lesquels la Serbie, malgré sa faiblesse, a continué à réprimer le Kosovo. Car le paradoxe est là : les Serbes n'ont jamais demandé pardon pour les crimes commis au Kosovo et en Bosnie. Et ils essaient toujours, en recourant aux mêmes méthodes, de maintenir leur mainmise sur le Kosovo et les autres pays de la région - ce qui est désormais impossible.
La …
L'indépendance a marqué le retrait de la Mission intérimaire des Nations unies au Kosovo (Minuk). Celle-ci fut remplacée en décembre 2008 par la mission européenne Eulex dont l'objectif principal est d'aider les Kosovars à assurer le respect de toutes les communautés vivant sur leur territoire et de jeter les bases d'un état de droit. Le plan Ahtisaari exclut toute idée de « Grande Albanie » : les Albanais constituent une nation et deux États, ayant tous deux vocation à rejoindre la grande famille européenne.
Pour l'heure, 60 pays ont reconnu l'indépendance du Kosovo, mais le président Sejdiu, qui a succédé en 2006 à Ibrahim Rugova, se veut optimiste : la barre des 90 États nécessaires pour entrer à l'ONU sera - dit-il - franchie avant la fin de 2009...
I. M. Ilda Mara - Après de longues années de combats diplomatiques, le Kosovo a enfin accédé à l'indépendance. Quels sont à présent les grands défis auxquels vous devez faire face ?
Fatmir Sejdiu - Vous avez raison, cette page de notre histoire est désormais tournée. Nous en avons fini avec les guerres et les massacres. Et, après de longues décennies, nos efforts pour faire du Kosovo un État souverain et indépendant ont enfin été couronnés de succès. À ce jour, 60 pays ont reconnu notre État. Ce résultat est d'autant plus appréciable qu'il s'agit majoritairement de grands pays, qui occupent une place considérable dans le monde (États-Unis, France, Italie, Grande-Bretagne, Allemagne, etc.).
À présent, les défis majeurs sont d'ordre économique. Mais le Kosovo est bien armé pour y faire face : il possède d'importantes ressources naturelles et a la chance de compter parmi sa population un grand nombre de jeunes formés dans les meilleures universités étrangères.
Notre société a subi de profonds traumatismes et, naturellement, il lui faudra du temps pour panser ses plaies et aboutir à une véritable réconciliation entre les ennemis d'hier. Pour l'heure, la communauté serbe refuse, au nom de je ne sais quel sentiment de supériorité, de s'intégrer pleinement à la vie institutionnelle du pays. Pourtant, tout a été fait pour que les Serbes se sentent aussi chez eux et soient associés au fonctionnement des institutions kosovares, qu'il s'agisse de l'administration ou du gouvernement. Ils ont même plus de droits que la majorité albanaise ! La Constitution, qui s'inspire du plan Ahtisaari, offre aux minorités de larges garanties. Des garanties qui ont été précisées et approfondies par le Parlement dans quelque 41 lois spécifiques. Conformément aux principes Badinter, les Serbes disposent de 10 sièges sur 120 au Parlement. Ce système n'est pas vraiment démocratique, mais c'est un bon moyen de préserver leurs droits. Qu'ils participent ou non aux élections, qu'ils gagnent ou qu'ils perdent, leur place est garantie dans les institutions kosovares.
Si ce processus a pu avoir lieu, c'est parce que les esprits ont mûri et que la majorité albanaise n'est plus animée par une soif de revanche. Nous souhaitons clore ce chapitre tragique, qui a laissé des traces profondes dans notre mémoire ; nous voulons aujourd'hui ouvrir le chemin qui nous mènera à la porte de l'Union européenne et de l'Otan - et cela, afin d'assurer la paix et la sécurité dans toute la région.
I. M. - Quelles sont les menaces qui planent sur votre pays ?
F. S. - Cela fait neuf ans que nous sommes sortis de la guerre, et notre parcours n'a pas été facile. Neuf ans pendant lesquels la Serbie, malgré sa faiblesse, a continué à réprimer le Kosovo. Car le paradoxe est là : les Serbes n'ont jamais demandé pardon pour les crimes commis au Kosovo et en Bosnie. Et ils essaient toujours, en recourant aux mêmes méthodes, de maintenir leur mainmise sur le Kosovo et les autres pays de la région - ce qui est désormais impossible.
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