Capitale vide non seulement de voitures - ce qui était banal à cette époque à l'Est - mais aussi de piétons, à l'exception d'innombrables cortèges d'enfants en uniformes de pionniers, fière de son métro colossal copié sur celui de Moscou, Pyongyang se parait, le week-end, de dizaines de petites fêtes musico-bucoliques au folklorisme aussi naïf qu'artificiel. Et l'immense stade abritait, lors du passage de personnalités étrangères, des spectacles grandioses et robotisés qui voyaient des dizaines de milliers de musiciens, de choristes et de figurants célébrer les exploits (bien souvent fictifs) du « Grand leader » dans la guérilla contre les Japonais.
Cas unique dans l'univers communiste, le leader en question ne cachait pas son souhait de confier sa succession à l'un de ses fils, en l'occurrence Kim Jong-il. Réputé grand amateur de nymphettes et de boissons fortes, celui-ci ne faisait pas l'unanimité au sein du régime. Il a tout de même fini par monter sur le trône après la mort de son père, en 1994, à une époque où l'écroulement de l'URSS et le rapprochement sino-américain aidant, on imaginait facilement que les deux Corées allaient suivre l'exemple allemand et se réunifier. Mais rien de tel ne s'est produit.
Kim Jong-il a eu bien du mal à s'imposer. Son « papa maréchal », dont la stature et l'embonpoint allaient de pair avec la bonne humeur, ne perdait pas une occasion de haranguer ses sujets ou de recevoir des visiteurs. Rien de semblable avec Kim 2, la sinistrose incarnée. On ne le voit que sur de rares photos. L'une de celles qui ont été diffusées récemment le montre tout frêle, le visage crispé, au bord d'une petite piscine, perdu dans un méchant pyjama bleu, entouré de quelques militaires en uniforme kaki copieusement décorés. L'homme a beau être officiellement le N° 1, il donne surtout l'impression d'une grande faiblesse. Il a apparemment subi une grave attaque cardiaque, sinon plusieurs, et son entourage serait en train de se demander lequel de ses trois fils serait le mieux à même d'assurer …