Les Grands de ce monde s'expriment dans

LES ISLAMISTES ET LA BOMBE PAKISTANAISE

Le Pakistan présente aujourd'hui tous les ingrédients d'un cocktail détonant : extrémisme religieux, instabilité politique et arme atomique. Devant les coups de boutoir des Talibans, les craintes sur le sort des engins et des matières nucléaires dont il dispose se font de plus en plus vives. Faut-il envisager le scénario du pire, celui de l'accès de terroristes fondamentalistes à l'arme nucléaire ? Pas si sûr. En réalité, les armes pakistanaises sont bien gardées, et ce n'est pas tant l'offensive des Talibans qui doit inquiéter que l'avenir à long terme du pays.Une force nucléaire en développement
L'arme nucléaire pakistanaise est destinée à protéger le pays de la menace indienne et à établir un rapport de forces qui lui permette de défendre ses intérêts au Cachemire - une province divisée mais à majorité musulmane. Les Pakistanais soupçonnent également l'Inde de n'avoir jamais réellement accepté la partition de 1947 et d'entretenir des desseins hégémoniques sur l'ensemble du sous-continent. On se souvient des essais nucléaires conduits par le Pakistan en mai 1998, immédiatement après ceux de l'Inde. Il avait alors prétendu avoir réalisé pas moins de six tests - soit un de plus que New Delhi (1)... Cet épisode avait confirmé que la posture nucléaire d'Islamabad était entièrement déterminée par celle de son voisin.
L'aventure avait commencé dès 1972 : le pays voulait s'assurer qu'il ne connaîtrait plus jamais de défaite militaire traumatisante, comme celle de 1971 qui avait débouché sur la sécession du Bangladesh. Après le premier essai indien de 1974, ce programme est devenu une priorité absolue. Le Pakistan s'est doté de la bombe au prix d'un effort déterminé conduit sous l'égide du président de la Commission pour l'énergie atomique Munir Ahmad Khan, et grâce à trois contributions étrangères essentielles : une aide financière des pays arabes producteurs de pétrole ; le vol de la technologie de l'enrichissement de l'uranium au consortium européen URENCO (2) ; et l'assistance de la Chine, y compris pour la conception des armes elles-mêmes. Cet effort lui a permis de mettre au point un premier engin expérimental aux environs de 1985. Cinq ans plus tard, Islamabad disposait déjà de quelques bombes opérationnelles pouvant être emportées par des chasseurs-bombardiers.
Le pays possédait à l'été 2009 moins d'une centaine d'armes nucléaires - sans doute de l'ordre de quatre-vingts à quatre-vingt-dix (3). Mais son arsenal est encore en croissance. Islamabad cherche à se doter d'une force de « dissuasion minimale » constituée des éléments les plus modernes et les plus fiables sur le plan technique : il s'agit de passer progressivement des armes à l'uranium hautement enrichi aux armes au plutonium, et des vecteurs de première génération (aviation, missiles à carburant liquide) aux vecteurs de seconde génération (missiles à carburant solide). La construction en cours de deux nouveaux réacteurs plutonigènes sur le site de Khushab témoigne des ambitions pakistanaises dans le domaine de la production de matières fissiles. Quant aux vecteurs, ils font l'objet d'une attention tous azimuts, axée prioritairement sur deux « familles » distinctes : les missiles Shaheen …