POUR UNE « PAIX ECONOMIQUE »

n° 124 - Été 2009

Avigdor Lieberman est né le 5 juin 1958 en Moldavie. Son père, Lev, a milité dans les rangs de l'organisation sioniste Beitar. Fait prisonnier par les Allemands durant la Seconde Guerre mondiale, celui-ci a ensuite été déporté en Sibérie par les autorités soviétiques. Avigdor étudie d'abord à l'institut agronomique de Kichinev avant de s'installer en Israël en 1978. Après avoir servi dans Tsahal, il entre à l'université hébraïque de Jérusalem d'où il ressort diplômé en relations internationales et en sciences politiques. Il parle quatre langues : l'hébreu, le russe, le roumain et l'anglais.Durant ses premières années en Israël, Lieberman exerce plusieurs petits métiers, dont celui de videur dans une boîte de nuit - une activité peu habituelle qui contribuera plus tard à sa réputation. Aujourd'hui, il vit dans une localité au sud de Jérusalem, Nokdim, située au-delà de la « ligne verte » (1).
Sa carrière politique est fulgurante : membre du Likoud de 1993 à 1996, il se fait remarquer par Benyamin Netanyahou. Lorsque celui-ci devient premier ministre, en 1996, il fait de Lieberman son directeur de cabinet.
En 1999, Lieberman quitte le Likoud pour fonder son propre parti, Israël Beiténou (Israël, notre maison), formation alors entièrement composée d'Israéliens russophones. En mars 2001, il est nommé ministre des Infrastructures nationales au sein du cabinet Sharon, mais démissionne en mars 2002 à la suite à de divergences d'opinion. En 2003, il réintègre le gouvernement et s'installe, cette fois, au ministère des Transports. Il s'oppose formellement au plan de désengagement unilatéral prôné par Ariel Sharon. Un an avant l'expulsion des Juifs de la bande de Gaza et du nord de la Samarie, alors que la tension est à son comble au sein du gouvernement, Sharon décide de s'en séparer.
Aux élections de 2006, son parti remporte onze sièges et entre dans la coalition d'Ehoud Olmert. Lieberman est vice-premier ministre et ministre des Affaires stratégiques. Il quitte, une nouvelle fois, ses fonctions en janvier 2008 pour protester contre le processus d'Annapolis (2).
Trois ans plus tard, lors des législatives de février 2009, Lieberman connaît enfin son heure de gloire : son parti s'impose comme la troisième formation politique du pays, devançant le Parti travailliste, avec quinze sièges. Devenu incontournable, il est nommé ministre des Affaires étrangères par Benyamin Netanyahou, au sein de sa coalition de centre droit. Consécration suprême : le magazine Time le fait figurer sur sa liste des cent personnes les plus influentes au monde.
Avigdor Lieberman s'est-il assagi ? Ce qui est certain, c'est que celui qu'on a longtemps dépeint comme le « Jörg Haider israélien », le « Raspoutine des temps modernes », un fasciste qui mange du Palestinien à tous ses repas, offre désormais l'image d'un diplomate courtois, ferme mais pragmatique. Un nouveau Lieberman dont cet entretien donne un bref aperçu...
B. C. Benny Cohen - Le programme nucléaire iranien constitue une menace permanente pour la sécurité d'Israël. L'idée d'une frappe préventive contre les installations de Téhéran vous semble-t-elle envisageable ?
Avigdor Lieberman - Il n'est pas question qu'Israël bombarde l'Iran. Le nucléaire iranien ne concerne pas qu'Israël : c'est un problème pour le monde entier, et en tout cas pour l'ensemble du Proche-Orient. Il n'est pas question que nous le réglions seuls. Je sais que des rumeurs circulent sur la profonde inquiétude qu'inspirerait aux Israéliens la politique iranienne du président Obama. Je voudrais profiter de cet entretien pour les rassurer : nous sommes très optimistes quant aux orientations de la nouvelle administration américaine. J'ai confiance dans le leadership de Barack Obama et je suis persuadé qu'il réussira à rassembler une large coalition internationale pour isoler le régime des mollahs. Compte tenu de l'état de délabrement de l'économie iranienne, il n'est pas exclu que cette politique d'isolement finisse par porter ses fruits. Obama a offert à Téhéran sa toute dernière chance de renouer avec la communauté internationale, de revenir sur le droit chemin et de changer de voie.
B. C. - Comment caractériseriez-vous votre parti ? On le dit laïque, exclusivement tourné vers la communauté israélienne russophone. Êtes-vous d'accord avec cette définition ?
A. L. - Israël Beiténou est une formation démocratique et sioniste qui croit en la pérennité de l'État d'Israël en tant qu'État juif et démocratique. Contrairement aux idées reçues, je ne considère pas mon parti comme un parti laïque car, selon moi, Israël n'existe qu'en tant qu'État juif. Je suis profondément démocrate mais s'il existe une contradiction entre le caractère juif et le caractère démocratique de l'État, alors c'est l'identité juive qui l'emporte. De toute façon, je m'oppose à ce qu'on nous accole une étiquette : nous ne sommes pas un parti russe ; nous nous adressons à toutes les franges de la population, même si, à l'origine, nous nous sommes présentés comme un parti de nouveaux immigrants. Aujourd'hui, parmi nos quinze députés, nous avons plusieurs sabras, qui siègent aux côtés d'Israéliens de fraîche date. Nous sommes un parti qui prône le pluralisme, mais un pluralisme qui, je le répète, respecte le caractère juif de l'État d'Israël. Quant aux autres partis de droite, ils ont encore beaucoup à apprendre d'Israël Beiténou ! Les formations qui se réclament de la tendance nationale-religieuse ont perdu des voix aux dernières législatives parce qu'elles ne proposaient aucune alternative. Nous, en revanche, nous avons un programme pour régler le conflit israélo-palestinien. C'est ce qui explique notre progression constante au sein de l'électorat.
B. C. - Parlons de ce programme, justement. Vous préconisez un retour à la « feuille de route » de l'ex-président américain George W. Bush alors que tout le monde - y compris les Américains - semble l'avoir jetée aux oubliettes de l'Histoire. Pourquoi ?
A. L. - Parce que c'est le seul document qui sauvegarde les intérêts israéliens. Le processus d'Annapolis, lui, prévoit le retour aux frontières de 1967. Il n'apportera ni …

Sommaire

LE DEFI DES NEO-TALIBANS

Entretien avec Ahmed Rashid par Olivier Guez

L'ASIE A L'OMBRE DE LA BOMBE

par André Fontaine

POUTINE-MEDVEDEV : UNE LUTTE INEVITABLE?

par Viatcheslav Avioutskii

MEXIQUE : UN PAYS SOUS INFLUENCES...

par Babette Stern

CHILI : UN MANDAT EXEMPLAIRE ?

Entretien avec Michelle Bachelet par Sophie de Bellemaniere

HONGRIE : CHRONIQUE D'UNE FAILLITE EVITEE

Entretien avec Gordon Bajnai par Luc Rosenzweig

PLAIDOYER POUR UNE EUROPE SOLIDAIRE

Entretien avec Bruno Le Maire par Baudouin Bollaert

LES BALKANS OCCIDENTAUX FACE A LA CRISE MONDIALE

par Jean-Arnault Dérens

ISRAEL : LE MAUVAIS GOUVERNEMENT AU MAUVAIS MOMENT ?

par Frédéric Encel

MACEDOINE : LE NOM DE LA DISCORDE

Entretien avec Nikola Gruevski par Isabelle Lasserre

CRISE MONDIALE: LES GAGNANTS ET LES PERDANTS

Entretien avec Charles Gave par Henri Lepage

AFGHANISTAN-PAKISTAN : UN MEME PERIL

par Jean-Pierre Perrin

POUR UNE « PAIX ECONOMIQUE »

par Benny Cohen

GEORGIE : UN PRESIDENT DANS LA TEMPETE

Entretien avec Mikheïl Saakachvili par Galia Ackerman

CAUCASE DU SUD : LE TEMPS DE L'UNITE ?

par Gaïdz Minassian

OUZBEKISTAN : UNE DICTATURE OUBLIEE

Entretien avec Moutabar Tadjibaeva par Natalia Rutkevich

AU NOM DE TOUS LES OPPRIMES

Entretien avec Taslima Nasreen par Alexandre Del Valle

RUSSIE : PEUT-ON EN FINIR AVEC LA CORRUPTION

Entretien avec Pavel Astakhov par Galia Ackerman

DIPLOMATIE AMERICAINE : LE RETOUR DE LA GRANDE TRADITION

Entretien avec Richard Haas par Olivier Guez

KOSOVO, AN I

Entretien avec Fatmir Sejdiu par Ilda Mara

LES ISLAMISTES ET LA BOMBE PAKISTANAISE

par Bruno Tertrais