Les Grands de ce monde s'expriment dans

CRISE : POURQUOI LES BANQUES CENTRALES N'ONT RIEN VU VENIR

La crise actuelle est-elle comparable à celle de 1929 ? Plus grave ? Ou moins grave (1) ? Deux professeurs américains, spécialistes de l'histoire économique, Barry Eichengreen et Kevin O'Rourke, ont récemment publié une série de graphiques qui ne manquent pas de susciter quelque frisson (2). Ceux-ci font en effet apparaître qu'au cours des douze mois qui ont suivi le début de la récession - d'avril 2008 à avril 2009 - le recul de l'indice de la production industrielle mondiale a suivi un profil qui correspond en tout point à ce qui s'était passé lors des douze premiers mois de la Grande Dépression (de juin 1929 à juin 1930). Les commentateurs tentent de nous rassurer en nous expliquant que le recul de 3 ou 4 % du PNB sur un an (un peu plus de 2 % aux États-Unis, 4 % en Allemagne, et plus de 10 % pour des pays particulièrement atteints comme la Lettonie) ne saurait se comparer aux 30 ou 40 % de chute des années 1930. Mais ces chiffres, qui donnent encore le vertige, n'ont été atteints qu'au 36e mois de crise. Si l'on se limite à la production industrielle mondiale, l'évolution est tout à fait similaire : sur les douze premiers mois, l'indice passe de 100 à 87 (3) ! Lorsque l'on considère les échanges mondiaux (en volume), l'effondrement est bien plus rapide qu'en 1929-1930.
Même si les deux auteurs tempèrent leur jugement en faisant valoir que les politiques monétaires et budgétaires sont beaucoup plus favorables à la lutte contre la dépression qu'il y a quatre-vingts ans, et même si l'on assiste depuis le mois d'avril à une réelle stabilisation des indices de production, ces données ne laissent pas d'inquiéter.
L'État impute aux autres les conséquences de ses propres actions passées
L'attitude la plus commune (surtout en France) consiste à croire que la crise actuelle trouve son origine dans les politiques de déréglementation menées depuis le tournant des années Reagan et Thatcher. La crise financière serait la sanction de l'échec des idées néo-libérales. Elle marquerait la faillite de l'idéologie outrancière du tout-marché capitaliste. Banquiers et financiers seraient les principaux coupables qu'il s'agirait désormais de ramener à la raison par une reconstruction appropriée de l'ensemble du cadre réglementaire applicable à leurs professions.
Il est incontestable que le comportement des banques et des marchés financiers est au coeur des processus qui ont conduit à la crise. La vague d'innovation financière qui a marqué les vingt dernières années a entraîné des excès, voire des erreurs dont l'économie paie aujourd'hui le prix. Les managers de ces très grandes entreprises se sont engagés dans des prises de risque totalement insensées. Ils ont mis en place des systèmes de rémunération qui poussaient leurs cadres à rechercher la performance au-delà du raisonnable. Ils ont contourné la législation, notamment en développant à très grande échelle la pratique des activités « hors bilan ».
Il n'en reste pas moins que, partout dans le monde, aucune autre profession n'est plus réglementée que la banque. Comment …