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DJIHAD DANS LE CAUCASE DU NORD

En août 1999, Vladimir Poutine, tout juste nommé premier ministre, avait affirmé, dans un langage pour le moins fleuri, qu'il irait « buter les Tchétchènes jusque dans les chiottes » (1). Mais dix ans plus tard, l'armée russe n'a toujours pas découvert toutes les « chiottes » en question. Les cachettes des ennemis de Moscou sont réparties sur l'ensemble du Caucase du Nord, et l'on n'y trouve pas que des Tchétchènes. Partout, des membres des forces de l'ordre tombent sous les balles de militants qui se battent pour un djihad dont la portée dépasse la seule Tchétchénie. En 1999, le premier ministre Poutine partait pacifier une république séparatiste. En 2009, de nouveau premier ministre, Vladimir Poutine se trouve face à une guérilla régionale dominée par des djihadistes. Cette lutte sans fin, ponctuée par deux guerres (2), remet en question la capacité russe à faire régner l'ordre sur son propre territoire.Comment en est-on arrivé là ? Comment la lutte nationaliste tchétchène est-elle devenue un djihad mené dans l'ensemble du Caucase du Nord ? Analyser la dégradation sécuritaire qu'a connue cette région clé pour le Kremlin (3) est essentiel. Pour une raison simple : le statut de la Russie au XXIe siècle dépendra de son aptitude à « tenir » la zone. Si elle parvient à restaurer l'ordre, elle a de bonnes chances d'être perçue comme une grande puissance. Si elle échoue, elle sera vue comme un État en perte de vitesse.
De la lutte pour l'indépendance au djihad
La situation actuelle est due à l'évolution de la guerre en Tchétchénie, où la lutte de libération nationale s'est progressivement muée en djihad à portée régionale. Cette transformation s'explique par la capacité des djihadistes - étrangers et locaux - à imposer leurs idées, au point de prendre la tête du mouvement nationaliste.
Désir d'indépendance tchétchène et infiltration politique djihadiste
Deux aspects essentiels expliquent le détournement de la lutte indépendantiste tchétchène par les combattants islamistes :
- après le départ des soldats soviétiques d'Afghanistan en 1989, les djihadistes étrangers et, en particulier, les « Afghans-Arabes » (4) avaient besoin d'un autre champ de bataille. La Tchétchénie leur a offert un nouveau djihad... qui plus est contre un ennemi qu'ils estimaient avoir vaincu en Afghanistan ;
- il est possible de trouver des points communs entre le discours nationaliste tchétchène et la logique islamiste transnationale. Les islamistes tchétchènes et leurs alliés étrangers ont su exploiter ces points communs à leur avantage.
Un mot sur le contexte dans lequel la Tchétchénie a fait sécession. Au début des années 1990, une Russie faible voyait le président Boris Eltsine appeler les différentes régions à prendre « autant d'autonomie que possible ». Plusieurs sujets de la Fédération en ont profité pour arracher de nombreuses concessions à Moscou. Mais de tous les peuples du pays, seuls les Tchétchènes sont allés jusqu'à réclamer l'indépendance, et jusqu'à se battre pour elle. Pourquoi ?
L'une des explications tient, bien entendu, au souvenir des souffrances passées. Les nationalistes locaux dénoncent la politique conduite par …