Ce qui est sûr, c'est que le premier procès Ioukos a suscité un flot de critiques, tant les droits de la défense y ont semblé bafoués. En dépit de nombreuses failles dans le dossier, Khodorkovski et plusieurs de ses collègues, au premier rang desquels Platon Lebedev, ex-numéro 2 du géant pétrolier, ont été condamnés à de lourdes peines. Quant à la compagnie elle-même, elle a été mise en faillite et ses actifs ont été récupérés par des entreprises proches du pouvoir, notamment Rosneft, qui appartient à 75 % à l'État. Incarcéré dans l'est de la Sibérie - à Krasnokamensk, puis à Tchita -, Khodorkovski espérait pouvoir sortir en 2011, à l'issue de ses huit ans de détention, voire plus tôt. Mais, en 2006, de nouvelles accusations ont été portées contre lui et contre Lebedev. Inculpé de revente illégale de pétrole et de blanchiment d'argent, il a été transféré à Moscou où son second procès s'est ouvert en mars 2009. Alors que le procès bat son plein, il a accepté - comme il l'avait déjà fait lors de son premier procès, en 2005 (1) - de répondre aux questions de Politique Internationale. Qu'il s'agisse de son sort personnel ou du destin de la Russie, l'oligarque déchu, aujourd'hui âgé de 46 ans, veut croire à des lendemains meilleurs.
P. I. Politique Internationale - Après avoir été condamné, en 2005, à huit ans de prison pour escroquerie et fraude fiscale, vous êtes aujourd'hui de nouveau poursuivi pour blanchiment d'argent sale. La peine maximale qui pourrait être prononcée contre vous à l'issue du procès est de 21 ans. De votre point de vue, qu'est-ce qui explique ces nouvelles accusations dont vous faites l'objet ?
Mikhaïl Khodorkovski - Ces accusations sont complètement falsifiées, elles ne reposent que sur des inventions. Pis : dans les faits, elles contredisent directement celles dont j'ai fait l'objet en 2003 et qui m'ont valu d'être condamné en 2005 à l'issue de mon premier procès. À l'époque, mes accusateurs prétendaient que Ioukos n'avait pas payé tous les impôts dus pour le pétrole qu'il avait extrait et vendu. À présent, ils affirment que c'est moi, Mikhaïl Khodorkovski, qui aurais personnellement volé le pétrole, directement sur le puits dont il était extrait ! Mais, dans ce cas, cela signifie que Ioukos n'a jamais possédé de pétrole ! Si l'on suit cette théorie démente, alors Ioukos n'avait pas d'impôts à payer, et il n'y avait aucune raison de mettre l'entreprise en faillite pour avoir prétendument dissimulé ses revenus au fisc.
P. I. - Selon vous, pourquoi l'accusation commet-elle de telles erreurs de logique ?
M. K. - Avant tout parce que les gens qui ont concocté ce second procès ne sont pas très compétents. Ensuite, parce qu'ils sont certains de pouvoir faire tout ce qu'ils veulent sans jamais avoir à répondre de leurs actes...
P. I. - Qui a « commandité » ce second procès ?
M. K. - Il existe de nombreuses spéculations sur ce point. Des éléments concrets indiquent que les metteurs en scène de cette mascarade sont des fonctionnaires travaillant à un échelon intermédiaire du pouvoir. Ces fonctionnaires, ainsi que leurs partenaires du monde des affaires, se sont personnellement enrichis à l'issue du premier procès et de la faillite de Ioukos. J'en ai ouvertement parlé au tribunal. Je ne vais pas citer les noms de ces individus, car je sais que nos tribunaux seraient ravis de proclamer qu'ils sont honnêtes et que mes paroles révèlent de la calomnie. Mais chacun sait que les actifs de Ioukos se sont évaporés dans la nature...
P. I. - Quelle issue prévoyez-vous à ce second procès ?
M. K. - Je pense que cette question n'a pas été réglée à l'avance. D'après moi, même les initiateurs de ce procès ignorent comment il va se terminer. Cependant, il est indiscutable que le tribunal se montre tout à fait partial. Par exemple, on a refusé de répondre à mes interrogations portant sur de nombreux points de l'accusation, ce qui est absolument illégal.
P. I. - Globalement, quelle analyse faites-vous de la procédure judiciaire ? Vos droits sont-ils respectés ?
M. K. - La procédure est conduite de manière plus civilisée que lors du premier procès. Il n'empêche que le tribunal se place souvent du côté de l'accusation, sans s'en cacher, d'ailleurs. À la demande de …