L'énergie - indispensable au fonctionnement des économies modernes - est devenue un bien rare qu'il faut économiser. Son coût peut, s'il devient excessif, remettre en cause non seulement les appareils de production, mais aussi un certain mode de consommation qui a permis une amélioration considérable du niveau de vie de la population mondiale. Il est donc normal que cette situation provoque une concurrence non seulement entre les entreprises, mais aussi entre les États. C'est tout le problème de l'accès aux ressources fossiles non encore exploitées ainsi qu'aux modes de transport de ces énergies. La course à l'indépendance énergétique, hors de portée, a laissé la place à la recherche de la sécurité énergétique. Les conflits régionaux peuvent se nourrir des rivalités énergétiques, mais les avantages comparatifs réciproques peuvent aussi conduire à une interdépendance raisonnée et fructueuse. Les relations entre la Russie et l'Europe ou encore la compétition Europe/États-Unis pour la recherche de sources alternatives d'approvisionnement en sont l'illustration. Hubert Védrine et Frank-Walter Steinmeier ont accepté de répondre, chacun de leur côté, à une série de questions consacrées à ces sujets brûlants. Qu'ils en soient ici remerciés. Pour un meilleur confort de lecture, nous avons choisi de juxtaposer leurs réponses. De cet entretien croisé ressortent deux perceptions contrastées, mais tout aussi stimulantes, des enjeux de demain.Hubert des LongchampsDirecteur des Relations Internationales, Total
Politique Internationale - L'Europe et les États-Unis ont-ils les mêmes intérêts face à la Russie ?
Hubert Védrine - Les mêmes intérêts stratégiques : oui. Idéalement, l'Europe et les États-Unis souhaitent obtenir de la Russie qu'elle devienne un voisin et un partenaire fiable, qui défende ses intérêts légitimes sans recourir à la menace militaire ni au chantage, qui coopère dans les domaines de l'énergie, du désarmement et de la gestion des crises, et qui se modernise progressivement sur les plans économique et politique. Le président Obama a dit à Moscou le 7 juillet dernier : « L'Amérique veut une Russie qui soit forte, pacifique et prospère. » Mais comment y parvenir concrètement ? Et qu'y pouvons-nous de l'extérieur sans retomber dans les illusions américaines et les errements de la période 1992-2000 (Eltsine) ? Que faut-il accepter et que faut-il refuser ? Sur quels points faut-il marquer plus de fermeté envers Moscou ? La réponse à ces questions peut faire surgir des divergences de priorités entre les Européens (notamment entre les anciens et les nouveaux États membres) et entre les Européens et les Américains. Certains voient dans la Russie d'abord un partenaire économique ; d'autres d'abord un péril. Cependant, ces contradictions ne sont pas insurmontables. Les débuts de l'administration Obama fournissent l'occasion de réaliser une harmonisation à deux niveaux (européen, puis atlantique), tant en ce qui concerne la politique énergétique, l'élargissement de l'Otan - dont la nécessité est problématique -, les investissements étrangers que d'autres domaines comme la politique vis-à-vis de l'Iran, de la Chine ou de l'Asie centrale. C'est le moment de mettre en place un partenariat constructif et vigilant entre l'Occident et la Russie. À mon avis, l'administration Obama devrait y parvenir en un an ou deux.
Quant à savoir qui, de la Russie ou de l'Europe, est la plus dépendante de l'autre, c'est difficile à dire. Certaines zones d'Europe centrale et orientale sont très dépendantes des oléoducs russes pour leur approvisionnement pétrolier. L'Europe importe également du diesel russe pour son marché automobile. Mais il n'y a pas de dépendance européenne globale envers la Russie sur le plan pétrolier puisque le pétrole se négocie sur le marché mondial. En revanche, la question se pose pour le gaz : un quart du gaz consommé en Europe vient de Russie (mais 40 % du gaz importé), le degré de dépendance variant énormément d'un pays européen à un autre. Inversement, la Russie vend à l'Europe 85 % de son gaz et ne pourrait le vendre totalement ailleurs. Il s'agit donc d'une situation d'interdépendance - d'autant que Moscou a besoin des investissements et des technologies de l'Occident - qui peut évoluer de façon antagoniste ou en partenariat, et être marquée ou non par des crises selon les politiques menées de part et d'autre, notamment par l'UE.
Frank-Walter Steinmeier - L'Europe et les États-Unis portent certainement un regard différent sur le monde. Il n'en reste pas moins que l'un comme l'autre ont besoin de la Russie pour trouver ensemble des réponses aux défis globaux. …
Hubert Védrine - Les mêmes intérêts stratégiques : oui. Idéalement, l'Europe et les États-Unis souhaitent obtenir de la Russie qu'elle devienne un voisin et un partenaire fiable, qui défende ses intérêts légitimes sans recourir à la menace militaire ni au chantage, qui coopère dans les domaines de l'énergie, du désarmement et de la gestion des crises, et qui se modernise progressivement sur les plans économique et politique. Le président Obama a dit à Moscou le 7 juillet dernier : « L'Amérique veut une Russie qui soit forte, pacifique et prospère. » Mais comment y parvenir concrètement ? Et qu'y pouvons-nous de l'extérieur sans retomber dans les illusions américaines et les errements de la période 1992-2000 (Eltsine) ? Que faut-il accepter et que faut-il refuser ? Sur quels points faut-il marquer plus de fermeté envers Moscou ? La réponse à ces questions peut faire surgir des divergences de priorités entre les Européens (notamment entre les anciens et les nouveaux États membres) et entre les Européens et les Américains. Certains voient dans la Russie d'abord un partenaire économique ; d'autres d'abord un péril. Cependant, ces contradictions ne sont pas insurmontables. Les débuts de l'administration Obama fournissent l'occasion de réaliser une harmonisation à deux niveaux (européen, puis atlantique), tant en ce qui concerne la politique énergétique, l'élargissement de l'Otan - dont la nécessité est problématique -, les investissements étrangers que d'autres domaines comme la politique vis-à-vis de l'Iran, de la Chine ou de l'Asie centrale. C'est le moment de mettre en place un partenariat constructif et vigilant entre l'Occident et la Russie. À mon avis, l'administration Obama devrait y parvenir en un an ou deux.
Quant à savoir qui, de la Russie ou de l'Europe, est la plus dépendante de l'autre, c'est difficile à dire. Certaines zones d'Europe centrale et orientale sont très dépendantes des oléoducs russes pour leur approvisionnement pétrolier. L'Europe importe également du diesel russe pour son marché automobile. Mais il n'y a pas de dépendance européenne globale envers la Russie sur le plan pétrolier puisque le pétrole se négocie sur le marché mondial. En revanche, la question se pose pour le gaz : un quart du gaz consommé en Europe vient de Russie (mais 40 % du gaz importé), le degré de dépendance variant énormément d'un pays européen à un autre. Inversement, la Russie vend à l'Europe 85 % de son gaz et ne pourrait le vendre totalement ailleurs. Il s'agit donc d'une situation d'interdépendance - d'autant que Moscou a besoin des investissements et des technologies de l'Occident - qui peut évoluer de façon antagoniste ou en partenariat, et être marquée ou non par des crises selon les politiques menées de part et d'autre, notamment par l'UE.
Frank-Walter Steinmeier - L'Europe et les États-Unis portent certainement un regard différent sur le monde. Il n'en reste pas moins que l'un comme l'autre ont besoin de la Russie pour trouver ensemble des réponses aux défis globaux. …
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