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PRODUCTEURS / CONSOMMATEURS : LES CLES D'UNE RELATION GAGNANT-GAGNANT

Politique Internationale - Qu'est-ce qui, selon vous, caractérise une politique équilibrée de développement économique d'un pays pétrolier ?
Christophe de Margerie - Avant de vous répondre, je voudrais éclaircir un point. Le préalable à toute réflexion de ce type est de savoir à quelle catégorie de pays producteurs on a affaire. Pour ma part, j'en vois trois : les pays qui peuvent produire beaucoup et sont relativement peu peuplés, comme les pays du Golfe ; les pays où le pétrole ne représente qu'une petite partie du budget de l'État - l'Indonésie, par exemple ; et, enfin, les pays comme l'Angola, qui sortent d'une longue période de guerre et pour lesquels le pétrole est le moyen de se développer. Je cite l'Angola, mais, comme tout le monde, je pense aussi à l'Irak. La manière dont on conduit une politique de développement équilibrée dépend donc de la catégorie à laquelle on se rattache. Un pays qui sort d'un conflit souvent long et meurtrier doit pouvoir produire au maximum. L'essentiel est que cela se fasse selon des règles de bonne gouvernance car les ressources pétrolières doivent servir à l'essor de l'économie et non à une minorité. Les choses s'améliorent dans ce domaine, même s'il reste encore beaucoup à faire.
J'ai cité l'Indonésie comme exemple d'un pays où la production pétrolière ne représente qu'une partie des revenus. Je pourrais aussi parler de la Grande-Bretagne, pays pétrolier, certes, mais qui, comme l'Indonésie, n'est plus autosuffisant. Tous deux cherchent à produire au maximum, l'un en optimisant sa technologie, l'autre en investissant massivement dans l'exploration. Ils augmentent aussi leurs taxes, ce qui est normal quand les prix augmentent. D'ailleurs, quand on nous dit « vous acceptez de payer des impôts supplémentaires en Grande-Bretagne et pas en France », il est bon de rappeler qu'il s'agit de taxes sur la production et non sur la consommation. Ce n'est pas la même chose.
Pour ceux qui ont de très gros revenus, comme l'Arabie saoudite ou, de manière plus générale, les États du Golfe, mener une politique équilibrée, c'est trouver la manière la plus sage possible de gérer une richesse fabuleuse dont ils n'ont pas forcément besoin tout de suite. Ils peuvent donc légitimement se demander s'ils n'auraient pas intérêt à conserver cette ressource pour les générations futures en produisant seulement ce qui est nécessaire. C'est une réaction normale. C'est, du reste, ce que fait la Norvège d'une autre manière avec son fonds de stabilisation. Voilà une idée vraiment admirable. Mais pourquoi ce comportement est-il bien accueilli lorsqu'il s'agit de la Norvège et décrié quand c'est un pays du Moyen-Orient ? Ces pays gardent des réserves pour le futur, mais ils produisent quand même plus que ce dont ils ont besoin. Ils placent ainsi une partie de leurs revenus dans des sociétés internationales, comme... Total ! Ces échanges participent à l'équilibre du monde ; c'est ce qui s'appelle une relation gagnant-gagnant.
P. I. - Pensez-vous que la mondialisation a changé la donne dans ce domaine ?
C. M. - Je …