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CHINE-INDE : L'ENJEU TIBETAIN

Dans le flot continu des informations trop brièvement relayées par la presse internationale, quelques-unes, mises bout à bout, forment un ensemble d'une clarté évidente : en décembre 2009, le Danemark se déclare officiellement « opposé à l'indépendance du Tibet » et se fait rappeler à l'ordre par l'un de ses ambassadeurs expert en droit international signalant que cette prise de position contrevient à la Charte des Nations unies (1) ; Pékin tance solennellement New Delhi pour avoir donné le feu vert à une visite pastorale du dalaï-lama en Arunachal Pradesh, à l'extrême nord-est du pays - une région que la Chine considère subitement comme « contestée » entre les deux voisins ; quelques semaines plus tôt, les autorités chinoises avaient déjà protesté avec véhémence contre un déplacement du premier ministre indien Manmohan Singh dans le même État ; plus récemment encore, en janvier dernier, le président américain Barack Obama est bruyamment rappelé à l'ordre après avoir annoncé qu'il rencontrerait le leader tibétain exilé le 10 février à Washington. N'oublions pas, non plus, la crise franco-chinoise de 2008 (le président français s'était attiré les foudres de Pékin pour s'être entretenu quelques instants avec le dalaï-lama lors d'un voyage en Pologne) ainsi que le geste fort discutable du Foreign Office britannique qui a estimé unilatéralement que le traité de Simla (signé en 1914 entre le représentant du vice-roi des Indes au nom de la Couronne britannique et le XIIIe dalaï-lama) était caduc alors que les Tibétains considèrent ce document comme la preuve de l'indépendance de leur pays à cette époque. On pourrait ajouter les multiples pressions qu'exerce le gouvernement de Pékin sur quiconque ose recevoir le dalaï-lama. Ou encore la grande campagne de propagande visant à faire accepter la version chinoise de l'histoire tibétaine...
Mais pourquoi la Chine s'acharne-t-elle ainsi sur une personnalité de stature internationale, transformée par ses soins en bouc émissaire ? L'intéressé lui-même en sourit tout en faisant remarquer : « Les autorités chinoises ont fait de moi le plus populaire des dalaï-lamas. » Un élément de réponse se trouve sans doute dans les relations, houleuses sous des dehors courtois, qu'entretiennent les deux plus grands pays d'Asie.
Des frontières très contestées
Regain de tension dans l'Himalaya
L'année 2009 aura été marquée par des frictions récurrentes entre les deux voisins, des échanges musclés par presse interposée et parfois même des invectives assez peu diplomatiques. Parallèlement, un renforcement notable de la présence militaire chinoise et l'accélération annoncée de la construction de nouvelles infrastructures terrestres, ferroviaires et aériennes sur le haut plateau tibétain ont poussé les forces armées indiennes à réagir : elles ont reconnu avoir enregistré près de 300 incidents frontaliers « mineurs » dans les montagnes himalayennes, allant d'incursions nocturnes à des menaces plus directes envers les populations de hameaux isolés dans des vallées reculées. Deux événements ont plus particulièrement retenu l'attention de la presse : au Ladakh, à l'ouest de l'arc montagneux, où des soldats chinois ont contraint des villageois à arrêter un chantier routier en cours non loin …