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LA CAMPAGNE ANTI-FRANCAISE D'AL-QAIDA AU SAHARA

Le 21 janvier 2011, Oussama Ben Laden menace la France, qu'il somme de retirer ses troupes engagées en Afghanistan : ce « suivisme vis-à-vis de l'Amérique », avertit-il, « coûtera cher sur différents fronts, à l'intérieur comme à l'extérieur de la France ». Cette algarade est diffusée par la chaîne satellitaire panarabe Al-Jazira, basée au Qatar, qui a depuis plus d'une décennie la primeur des déclarations du chef d'Al-Qaida. Il s'agit d'un enregistrement uniquement sonore : Ben Laden n'est plus apparu à l'écran depuis 2004. Mais la particularité de ce message est qu'il ne concerne pas le noyau dur des fidèles d'Al-Qaida, repliés autour de leur leader dans les zones tribales du Pakistan, à la frontière de cet Afghanistan dont les forces occidentales sont sommées de se retirer. Non, Ben Laden s'adresse, par-delà l'opinion française ainsi prise à partie, à ses partisans d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), à des milliers de kilomètres de là, car ils constituent à ses yeux l'avant-garde du combat contre la France.Ben Laden avait déjà menacé la France, le 27 octobre 2010, lui consacrant une déclaration particulière - une attention qu'il réservait jusque-là aux seuls États-Unis, sa cible privilégiée bien avant les attentats du 11 septembre 2001. Le chef d'Al-Qaida avait alors lié pour la première fois le sort des cinq otages français enlevés le mois précédent par AQMI dans le nord du Niger (avec deux autres expatriés, togolais et malgache) à la politique française en Afghanistan : « Tout comme vous tuez, vous êtes tués. Tout comme vous prenez des prisonniers, vous êtes pris en otages. De même que vous menacez notre sécurité, nous vous menaçons en retour, et celui qui a commencé est le fauteur d'injustice. Le seul moyen de préserver votre sécurité est de mettre un terme à toutes ces injustices perpétrées à notre encontre, en commençant par votre retrait de la maudite guerre de Bush en Afghanistan. » Abdelmalek Droukdal, le dirigeant d'AQMI, avait par la suite repris à son compte cette exigence et remis publiquement le sort des otages français entre les mains de Ben Laden, dans un message également diffusé par Al-Jazira. Cette situation est aussi inquiétante qu'inédite. Al-Qaida, qui n'a jamais pu frapper le territoire français, n'a pas été non plus en mesure de mener des attentats sur le sol européen depuis les explosions kamikazes dans les transports publics de Londres, le 7 juillet 2005 (56 morts, dont les quatre terroristes). Mais l'organisation de Ben Laden a trouvé dans AQMI le relais capable de viser par défaut la France dans la zone sahélienne, tout en s'efforçant d'amplifier l'impact médiatique de ces attaques anti-occidentales - qu'il s'agisse de prises d'otages, d'attentats à l'explosif ou d'assassinats plus ou moins ciblés. Pour comprendre cette configuration triangulaire entre la France, le Sahara et le sanctuaire pakistanais de la direction d'Al-Qaida (« Al-Qaida central »), il convient de revenir sur le laborieux processus d'incorporation des réseaux nord-africains à l'organisation de Ben Laden. AQMI représente, en outre, une forme tout à fait originale de « …