Stéphane Monclaire - Au cours des dernières années de la présidence Lula, la politique étrangère du Brésil a souvent été qualifiée par la presse internationale d'« offensive diplomatique tous azimuts ». Cette expression vous semble-t-elle justifiée ?
Marco Aurélio Garcia - Il ne faut pas s'illusionner sur la nature de notre action. Nous ne menons pas une diplomatie globale qui serait comparable à celle des États-Unis. Nous avons simplement essayé, à certains moments, de prendre des initiatives sur des questions qui n'avaient jamais été au coeur de la politique étrangère brésilienne : le Moyen-Orient et, plus particulièrement, le dossier nucléaire iranien. Nous avons aussi recommencé à agir sur certains fronts qui avaient été délaissés : la politique à l'égard de l'Afrique, par exemple. Tout cela est vrai. Mais il est arrivé que l'agenda international nous soit imposé. Prenez le cas du BRIC. Comme chacun le sait, l'acronyme BRIC n'a pas été inventé par nous ; ni par la Russie, l'Inde ou la Chine. Toutefois son usage, en se généralisant, a fini par inciter les gouvernants de ces quatre pays à envisager de doter cette abstraction de véritables institutions. Notre première réunion n'a duré que deux minutes, le temps d'une photo lors d'un sommet du G8 au Japon. Après, la chose a gagné en authenticité. C'est pourquoi l'expression « offensive tous azimuts » me paraît inadéquate.
S. M. - Pourtant, si l'on s'en tient au nombre d'ambassades ou de missions diplomatiques ouvertes sous la présidence Lula (pas moins de soixante-huit), on a bien le sentiment d'une accélération...
M. A. G. - Il est exact qu'il n'y a plus guère de pays où nous soyons absents. Mais plusieurs de ces ambassades ou missions ne sont pas vraiment nouvelles, dans la mesure où elles n'ont pas été créées sous Lula. Elles ont juste été rouvertes à l'occasion des visites à l'étranger effectuées par le président ou par ses ministres. J'ajoute que ce mouvement d'ensemble ne répond pas qu'à des préoccupations commerciales, comme le démontrent nos nouvelles ambassades en Afrique ou au Moyen-Orient. Nous nous préoccupons aussi de coopération.
S. M. - Lula jouissait à l'étranger d'un très fort capital de sympathie. La présidente Dilma Rousseff doit encore se faire un nom sur la scène internationale. Cette différence de notoriété ne risque-t-elle pas de compliquer le jeu de la diplomatie brésilienne, voire de compromettre ses chances de succès ?
M. A. G. - Ce décalage était inévitable, mais ne constitue pas un obstacle. Le grand mérite de Lula a été, à travers son investissement personnel, de contribuer à faire connaître le Brésil auprès de gens pour lesquels notre pays se résumait à Pelé, à Ronaldo, aux plages et au carnaval. Il avait l'art de présenter sous son meilleur jour ce pays différent qu'est devenu le Brésil. Mais dans les négociations au plus haut niveau, il savait aussi se montrer extrêmement agréable, ce qui en a surpris plus d'un et s'est révélé très profitable. Il avait bien compris que le Brésil ne pourrait pas se …
Marco Aurélio Garcia - Il ne faut pas s'illusionner sur la nature de notre action. Nous ne menons pas une diplomatie globale qui serait comparable à celle des États-Unis. Nous avons simplement essayé, à certains moments, de prendre des initiatives sur des questions qui n'avaient jamais été au coeur de la politique étrangère brésilienne : le Moyen-Orient et, plus particulièrement, le dossier nucléaire iranien. Nous avons aussi recommencé à agir sur certains fronts qui avaient été délaissés : la politique à l'égard de l'Afrique, par exemple. Tout cela est vrai. Mais il est arrivé que l'agenda international nous soit imposé. Prenez le cas du BRIC. Comme chacun le sait, l'acronyme BRIC n'a pas été inventé par nous ; ni par la Russie, l'Inde ou la Chine. Toutefois son usage, en se généralisant, a fini par inciter les gouvernants de ces quatre pays à envisager de doter cette abstraction de véritables institutions. Notre première réunion n'a duré que deux minutes, le temps d'une photo lors d'un sommet du G8 au Japon. Après, la chose a gagné en authenticité. C'est pourquoi l'expression « offensive tous azimuts » me paraît inadéquate.
S. M. - Pourtant, si l'on s'en tient au nombre d'ambassades ou de missions diplomatiques ouvertes sous la présidence Lula (pas moins de soixante-huit), on a bien le sentiment d'une accélération...
M. A. G. - Il est exact qu'il n'y a plus guère de pays où nous soyons absents. Mais plusieurs de ces ambassades ou missions ne sont pas vraiment nouvelles, dans la mesure où elles n'ont pas été créées sous Lula. Elles ont juste été rouvertes à l'occasion des visites à l'étranger effectuées par le président ou par ses ministres. J'ajoute que ce mouvement d'ensemble ne répond pas qu'à des préoccupations commerciales, comme le démontrent nos nouvelles ambassades en Afrique ou au Moyen-Orient. Nous nous préoccupons aussi de coopération.
S. M. - Lula jouissait à l'étranger d'un très fort capital de sympathie. La présidente Dilma Rousseff doit encore se faire un nom sur la scène internationale. Cette différence de notoriété ne risque-t-elle pas de compliquer le jeu de la diplomatie brésilienne, voire de compromettre ses chances de succès ?
M. A. G. - Ce décalage était inévitable, mais ne constitue pas un obstacle. Le grand mérite de Lula a été, à travers son investissement personnel, de contribuer à faire connaître le Brésil auprès de gens pour lesquels notre pays se résumait à Pelé, à Ronaldo, aux plages et au carnaval. Il avait l'art de présenter sous son meilleur jour ce pays différent qu'est devenu le Brésil. Mais dans les négociations au plus haut niveau, il savait aussi se montrer extrêmement agréable, ce qui en a surpris plus d'un et s'est révélé très profitable. Il avait bien compris que le Brésil ne pourrait pas se …
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