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L'EGYPTE ENTRE COUP D'ETAT ET REVOLUTION

Dans la foulée de la chute du président tunisien Ben Ali à la mi-janvier, la population égyptienne investit la rue dix jours plus tard, le 25 janvier. Le mouvement s'emballe rapidement et focalise l'attention des médias sur la place Tahrir, au Caire, qui devient pendant quelques jours l'épicentre de la planète. Le 11 février, le président Moubarak quitte le pouvoir. Les médias enregistrent ce qui leur paraît être un changement de régime et louent le comportement exemplaire des jeunes manifestants qui nettoient la place (ce qui, paradoxalement, frappe davantage que la manière dont ils ont épargné la vie des pro-Moubarak tombés entre leurs mains). Mais que s'est-il vraiment passé en Égypte ? Au sein des premiers cercles du pouvoir et en dehors du Caire ? Peut-on parler de révolution ?Pourquoi la situation était mûre Si l'exemple tunisien a eu un effet déclencheur, c'est certainement parce que le contexte s'y prêtait. Certains éléments explicatifs sont les mêmes qu'en Tunisie et se retrouvent, d'ailleurs, dans l'ensemble du monde arabe : détérioration de la situation de la classe moyenne ; accroissement des clivages sociaux ; usure du pouvoir ; chômage et malaise des jeunes (1) ; sentiment d'injustice aggravé par les affaires de corruption (2). Mais d'autres ne concernent que l'Égypte. Dégradation du climat politique Au moment où éclate ce qui va devenir le « printemps arabe », l'Égypte se trouve dans une situation de blocage politique total, d'autant plus mal vécu que les premières années de la décennie avaient été marquées par une relative décrispation. À partir du début des années 2000, en effet, un phénomène nouveau se fait jour : la chape de plomb qui empêchait toute liberté d'expression se fissure. On le constate notamment au moment des manifestations de soutien à la nouvelle Intifada palestinienne en 2001, ou contre la guerre en Irak en 2003. Au-delà des slogans hostiles à Israël et aux États-Unis se profilent des dénonciations du régime et de la corruption ainsi que le refus du scénario de transition dynastique qui semble s'esquisser en faveur de Gamal Moubarak, fils cadet du président. Ces mises en cause prennent parfois un caractère véhément tout à fait inédit. Dans le même temps, l'allié américain se met à exercer des pressions insistantes en faveur de l'ouverture politique. En 2004, George Bush lance son projet de Great Middle East, du Maghreb à l'Afghanistan - un espace dans lequel les néoconservateurs de Washington entendent promouvoir la bonne gouvernance. Leur analyse, après les attentats du 11 Septembre, consiste à expliquer la radicalisation islamiste et l'émergence du djihadisme transnational de type al-Qaïda par l'absence de perspective politique dans les pays arabes. Le Caire est donc fermement invité à progresser sur le terrain du pluralisme et des droits de l'homme, alors même que s'annonce une double consultation électorale, présidentielle et législative. L'émergence de médias privés de sensibilités diverses, dans lesquels s'engagent plusieurs hommes d'affaires, contribue également à l'éclosion d'un débat public. Une opposition d'un type nouveau, composite et libérale, s'incarne dans le mouvement Kefaya (« ça …