Les Grands de ce monde s'expriment dans

« PRINTEMPS ARABE » : L'HISTOIRE N'A PAS DIT SON DERNIER MOT...

Entretien avec Jacques Julliard*
« printemps arabe » :l'histoire n'a pas dit son dernier mot...
Cet entretien a été conduitpar la Rédaction de Politique Internationale
* Historien et éditorialiste. Auteur, entre autres publications, de : Le Choix de Pascal, Desclée de Brouwer, 2003, et Flammarion, 2008 ; La Reine du monde. Essai sur la démocratie d'opinion, Flammarion, 2008 ; L'Argent, Dieu et le Diable. Péguy, Bernanos, Claudel face au monde moderne, Flammarion, 2008. Plusieurs entretiens qu'il a accordés à Politique Internationale ont été réunis dans Que sont les grands hommes devenus ?, Saint-Simon, 2004.
Politique Internationale - De la Tunisie à l'Égypte en passant par Bahreïn, le Yémen et la Libye, quelles réflexions vous inspire le « printemps arabe » ?
Jacques Julliard - Incontestablement, ce qui a rendu ce « printemps arabe » possible, c'est ce qu'il est convenu d'appeler la mondialisation - qui n'est pas simplement un phénomène économique, mais qui est aussi et peut-être avant tout un phénomène culturel. Aujourd'hui, les communications sont immédiates. Elles mettent en relation des sociétés, des régimes, voire des civilisations qui se trouvent à des moments différents de leurs évolutions respectives. Autrefois, les différentes sociétés étaient suffisamment séparées les unes des autres pour que l'influence des plus avancées sur les moins avancées ne se ressente que très progressivement. Il existait des échanges, bien entendu ; mais ils étaient limités quantitativement. Bref, il y avait une certaine étanchéité. Diderot s'est rendu en Russie, certes. Reste qu'il y est allé seul. Ce n'est pas le peuple français qui y est allé, de même que le peuple russe n'est pas venu en France.
De nos jours, on constate, au contraire, ce phénomène inouï : les sociétés les plus « arriérées » et les plus avancées sont en contact permanent, en particulier du fait des migrations. Là est le vrai choc des civilisations, qui fait circuler les idées. Et l'Occident a été une formidable vitrine. Cette vitrine a été le déclencheur des révolutions du bloc communiste à la fin des années 1980, tout simplement parce qu'elle était là : les populations « passaient devant » et cette vision leur donnait des idées ! On assiste à la même évolution pour le monde arabe qui, du fait des flux migratoires, des médias et des moyens de communication, est en relation constante avec les pays occidentaux.
P. I. - La généralisation d'Internet et la puissance d'Al Jazeera seraient donc à l'origine de ce qui se passe dans le monde arabe...
J. J. - Ce qui prime, l'élément majeur qui domine tous les autres reste, bien sûr, la soif de liberté. Cette aspiration est le fondement des révolutions arabes. Quant à la porosité entre les sociétés - porosité renforcée par Internet et par des médias comme Al Jazeera, vous avez raison -, elle a rendu ces bouleversements possibles. La première réaction de ces civilisations a été un repli conservateur : la tentative islamiste extrême d'Al-Qaïda est un effort désespéré du monde arabo-musulman pour conserver son identité en recourant à …