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RUSSIE : L'HEURE DE GLOIRE DU FSB

Le FSB russe, héritier du sinistre KGB soviétique, est une organisation dont on sait peu de choses. Que reste-t-il des vieilles mentalités aujourd'hui, quand le FSB, selon l'avis de nombreux experts, constitue l'un des piliers du nouveau régime russe ? Quel rôle le FSB joue-t-il dans l'économie et dans la formation d'une nouvelle idéologie russe ? Andreï Soldatov, journaliste d'investigation russe et co-fondateur du site Internet Agentura.ru, est probablement le meilleur connaisseur au monde de cette organisation, à la fois secrète et influente. Dans cet entretien, il raconte comment les officiers du FSB infiltrent tous les niveaux de la société russe et forment une partie considérable de l'élite gouvernante. G. A. Galia Ackerman - Depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, en 1999, le FSB - Service fédéral de sécurité, l'héritier principal du KGB soviétique - reprend du poil de la bête. Quelles sont ses fonctions aujourd'hui ?
Andreï Soldatov - Le FSB tient à la fois de l'ancien KGB et des services secrets de nombreux pays du Proche-Orient. Comme dans la Syrie d'Assad ou l'Égypte de Moubarak, il s'agit d'une agence de contre-espionnage et d'une police secrète. Garant de la stabilité politique du régime, le FSB a pour fonction de lutter « contre le terrorisme et l'extrémisme » - c'est-à-dire, en termes clairs, contre tous ceux qui pourraient défier le régime ; de surveiller l'opposition politique ; de garder les frontières ; et, même, de gérer une partie des activités de renseignement, à côté des agences qui en sont spécifiquement chargées, comme la Direction du renseignement militaire (GRU) et le Service de renseignement extérieur (SVR).
G. A. - Quelle est la principale différence entre le FSB et le KGB ?
A. S. - L'omniprésent KGB surveillait la vie de chaque citoyen. Le FSB, lui, agit d'une façon plus sélective ; mais il a aussi acquis certaines caractéristiques assez sinistres qui n'ont jamais été celles du KGB. En effet, le KGB n'avait pas été confronté à la menace du terrorisme. C'est une chose de démasquer des espions susceptibles de causer un préjudice économique ou militaire au pays ; c'en est une autre de prévenir un acte terroriste ! Voilà pourquoi les services secrets russes considèrent, aujourd'hui, que tous les moyens sont bons, surtout dans le Caucase du Nord. Ils agissent dans l'urgence, souvent hors de tout cadre légal, et avec une grande cruauté.
G. A. - Hormis le FSB, quels sont les autres services secrets russes, et quelles sont leurs fonctions respectives ?
A. S. - Le premier président de la Russie post-communiste, Boris Eltsine, a préservé la division soviétique des services de renseignement extérieur, dont les attributions étaient réparties entre deux entités : le GRU (Direction du renseignement militaire) et le SVR (Service du renseignement extérieur). Le FSO (service fédéral de protection) assure la sécurité des hauts fonctionnaires fédéraux et régionaux ainsi que des membres du gouvernement ; mais le FSB empiète sur ses plates-bandes. Il existe également des structures obscures dont on ne sait pas grand-chose - par exemple, le GUSP (direction d'État des programmes spéciaux), qui fait partie de l'administration présidentielle. Sa fonction est d'assurer la sécurité des bunkers souterrains et des tunnels construits à l'époque soviétique. Il s'agit d'un métro secret et d'un réseau de communications, d'abris et d'entrepôts. Ces installations doivent servir aux élites gouvernantes en cas de guerre conventionnelle ou nucléaire. Le GUSP est chargé d'entretenir et d'élargir cet espace souterrain. On ne sait pas si ce service est réellement indépendant car, depuis des années, il est dirigé par un ancien général du FSB.
G. A. - J'ai appris en vous lisant qu'il existait une « réserve active » au FSB : il s'agit de …