Lorsqu'il s'agit d'imposer leur suprématie, la tentation de faire appel à des mercenaires exerce, sur les États, un attrait presque irrésistible. En effet, le recours à des forces armées qu'il est possible de lancer dans la bataille sans qu'il soit nécessaire d'obtenir, au préalable, un consensus éthique, légal ou politique permet toutes les audaces. Ces dernières années, partout où les États de droit ne remplissent plus leurs fonctions, l'organisation de la sécurité et, même, la conduite de la guerre sont redevenues des biens monnayables, avec des investisseurs, des acheteurs, des pourvoyeurs de services et des spéculateurs. Les valeurs cardinales de l'État régalien et de la démocratie sont-elles remises en cause ?De l'émergence des États à la disparition des mercenaires Qu'il s'agisse des Grandes Compagnies formées de soldats chassés par leurs employeurs après la signature de traités de paix et qui terrorisent l'Europe à partir du milieu du XIVe siècle, ou des gardes suisses qui offrent leurs services aux souverains, les armées mercenaires sont les actrices incontournables de tous les conflits qui déchirent l'Europe de la guerre de Cent Ans (1337 à 1453) à la Révolution française. Certains grands chefs mercenaires - comme l'Anglais John Hawkwood (également connu sous le nom de Giovanni Acuto) au XIVe siècle ou le Tchèque Albrecht Wallenstein au XVIIe - deviennent même si puissants qu'ils rivalisent avec les États qu'ils servent (1). Mais la montée en puissance des États-nations entraîne l'avènement des armées nationales. Celles-ci - qu'elles soient professionnelles ou de conscription - possèdent deux avantages décisifs par rapport aux armées mercenaires. Tout d'abord, il est, pour les États, beaucoup moins cher d'entretenir des armées nationales que des armées mercenaires puisque l'État peut se contenter de n'honorer ses soldats que de la solde qu'il juge strictement nécessaire et de les équiper uniquement en fonction de la mission à remplir - alors que les armées mercenaires, elles, ont pour seul but de s'enrichir. Au prix de la prestation s'ajoute donc obligatoirement une marge de profit ; et plus le commanditaire est en position de faiblesse, plus cette marge aura tendance à être élevée. Ensuite, les armées mercenaires se montrent parfois si menaçantes pour le commanditaire, qui est en situation de dépendance, qu'il doit accepter de payer leur casernement au prix fort, au risque de ne pouvoir se défendre le cas échéant ou, pis, de voir les mercenaires se retourner contre lui. Et devant le risque d'être défaites, les unités mercenaires peuvent choisir de se retirer purement et simplement des champs de bataille. Les armées de conscription et les armées nationales professionnelles, elles, limitent le risque d'un retournement d'alliance ou d'une défection, dans la mesure où elles fonctionnent sur la base d'un système d'obligation moral et légal et disposent d'une structure disciplinaire forte et légitimée. Ces principes énoncés par Machiavel au XVIe siècle sont toujours d'actualité. Les innovations techniques militaires, comme l'apparition de l'artillerie de campagne à partir du XVIIe siècle, entraînent, elles aussi, la disparition progressive des unités mercenaires. Pour une raison simple : les coûts de …
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