Le raz-de-marée politique en cours dans le périmètre arabe-méditerranéen ?désoriente les analystes. Dans ce nouveau « laboratoire des transitions » qu'est brusquement devenu le Moyen-Orient, la question démocratique est abordée avec un optimisme tout à fait inédit puisque dominait, jusqu'ici, la perception d'un monde arabe en éternelle? perdition (1). Or, aujourd'hui, de nombreux observateurs estiment que les pays de la région pourraient s'orienter vers le « modèle turc » ou, plus précisément, vers l'exemple de la Turquie post-Atatürk. En effet, le modèle turc actuel ne correspond plus au kémalisme qui a, un temps, séduit Bourguiba. Il renvoie désormais au mode de gestion mis en place depuis une dizaine d'années par l'AKP, un parti conservateur et islamisant qui accumule les succès électoraux, économiques et diplomatiques.Au cours des deux dernières années, le poids de la Turquie au Moyen-Orient n'a cessé de croître. Face aux révoltes arabes, elle se retrouve brutalement projetée en pleine lumière et contrainte d'assumer sa nouvelle exemplarité. Car du point de vue politique, la Turquie a longtemps eu mauvaise réputation - et cela, pas seulement au Moyen-Orient. Si l'on peut à présent la donner en exemple, c'est en partie parce qu'elle a récemment suivi un processus d'approfondissement démocratique largement balisé par l'Union européenne. C'est aussi parce qu'elle connaît, grâce à sa diplomatie, un vrai retour en grâce régional : longtemps confinée en ses frontières par la guerre froide, la Turquie tournait résolument le dos, pour des raisons historiques, à ses anciennes provinces arabes; à l'inverse, elle cultive maintenant avec elles une connivence nouvelle, bâtie sur des intérêts communs bien compris. Mais si la Turquie séduit plus qu'avant, c'est surtout parce qu'elle seule ne craint pas de s'offrir comme repère pour un Moyen-Orient dont personne n'ose plus prédire l'avenir. Un « modèle turc » popularisé par les révoltes arabes Face aux révoltes arabes, Ankara marche sur des oeufs. Muet sur les événements de Tunisie, le premier ministre turc? Recep Tayyip Erdo?an n'a que tardivement affiché son soutien aux manifestants de la place Tahrir au Caire. « Dans le monde d'aujourd'hui, l'aspiration à la liberté ne peut être ignorée », a finalement déclaré le leader de l'AKP le 1er février, dans un discours truffé de références ?religieuses. Même Ahmet Davuto?lu, ministre des Affaires étrangères et ?maître d'oeuvre du redéploiement de la politique extérieure turque vers le Moyen-Orient, est resté étonnamment discret. « L'AKP, ?comme tout autre pouvoir turc, n'aime pas ce qui défie l'autorité aussi bien à l'intérieur du pays qu'à l'extérieur, surtout dans son étranger proche », note Cengiz Aktar, universitaire et éditorialiste du quotidien turc Radikal. La gêne est encore plus évidente face aux premières manifestations en Syrie, pays limitrophe où la Turquie a massivement investi. Sur la Libye, le gouvernement turc ne s'est pas révélé plus à l'aise, manifestant d'abord son opposition à toute forme d'intervention militaire avant d'assouplir sa position et de consentir à participer au blocus maritime mis en place par l'Otan. Un profil bas sur le plan militaire qui permet au gouvernement turc de s'affirmer …
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