Réduction de la dette, diminution du déficit, baisse de la fiscalité... Depuis des mois, l'Amérique n'a plus que ces formules à la bouche. Les Tea Parties en ont fait leur cheval de bataille, les Républicains l'ont enfourché et les Démocrates ne peuvent plus y échapper. La bataille fait rage dans les médias et au Congrès, comme en a témoigné cet été le psychodrame des négociations sur l'élévation du plafond de la dette. Ces thèmes sont depuis des décennies au coeur de l'idéologie libertarienne - une idéologie mal connue ou, tout simplement, inconnue en Europe et dont le Cato Institute de Washington est le porte-parole le plus écouté. Fondé en 1977, ce think tank défend la liberté individuelle, un gouvernement de taille limitée et le libre marché. Politique Internationale a rencontré David Boaz, son vice-président. Auteur de Libertarianism (livre-manifeste publié en 1997), intellectuel respecté, contributeur régulier du Wall Street Journal, du Washington Post et du Los Angeles Times, David Boaz explique, dans cette interview exclusive, comment et pourquoi l'Amérique est en train de vivre un « moment libertarien ». O. G.
Olivier Guez - Monsieur Boaz, vous appartenez à une mouvance méconnue en Europe, notamment en France : les libertariens. Qu'est-ce qu'un libertarien américain ?
David Boaz - Un libertarien considère que chaque individu a le droit de mener sa vie comme il l'entend tant qu'il respecte les droits des autres. Il estime que l'État n'a pas à se mêler de sa vie privée et de son activité économique. Les libertariens sont des conservateurs sur les plans économique et fiscal, mais ils sont libéraux sur les questions sociales. Autrement dit, il s'agit d'un hybride étrange de Républicains et de Démocrates, foncièrement attachés aux idéaux du capitalisme et aux mythes fondateurs de l'Amérique : la liberté, l'anti-étatisme, le laisser-faire, l'individualisme, le populisme, la propriété privée, l'entreprise et la concurrence.
O. G. - Avez-vous toujours été libertarien ?
D. B. - Probablement. Mes parents étaient des Démocrates jeffersoniens qui devinrent par la suite républicains : ils m'ont transmis le culte de la Constitution. Ils m'ont fait comprendre à quel point il était important que notre Loi fondamentale limite les pouvoirs du gouvernement. Dans ma jeunesse - j'ai grandi au Kentucky -, j'ai beaucoup lu, notamment des magazines conservateurs comme la National Review de William Buckley ou le New Guard Magazine. J'ai également dévoré Economics in one Lesson du grand journaliste Henry Hazlitt, un thuriféraire de Bastiat et de son ouvrage La Loi qui m'a fait découvrir les vertus de l'économie libre de marché. Et puis, surtout, j'ai découvert les romans d'Ayn Rand...
O. G. - À quelle époque ?
D. B. - Quand j'étais au lycée, probablement vers 1970-1971. Ces livres m'ont fait passer du conservatisme au libertarianisme. En effet, les personnages de Rand sont passionnément engagés en faveur de la liberté. Dans Atlas Shrugged (1957), une poignée d'entrepreneurs luttent contre les interventions sociales-étatistes et le politiquement correct de l'époque. John Galt (le personnage principal du roman) et quelques businessmen s'enfuient dans le Colorado d'où ils lancent la rébellion contre l'État et ses sbires collectivistes...
O. G. - Quelles leçons avez-vous retenues de vos lectures adolescentes ?
D. B. - Que chacun a le droit de vivre par et pour soi, avec ce qu'il gagne par ses propres efforts mais sans contraindre autrui. Que chaque individu, à condition qu'il respecte l'égoïsme des autres, est moralement souverain. Il faut vivre sa vie sans culpabilité ; Mme Rand explique dans ses essais et, plus encore, dans ses romans que l'accomplissement de son propre bonheur, rationnellement et selon certaines vertus cardinales telles que l'indépendance, l'intégrité ou l'efficience, est le plus haut but moral de l'homme. « L'homme doit vivre pour son propre intérêt, ne sacrifiant ni lui-même aux autres, ni les autres à lui-même », écrit-elle. C'est la clé de l'estime de soi. Ses romans ont une dimension éthique, métaphysique et philosophique très puissante.
O. G. - À savoir ?
D. B. - Que les gens qui réussissent font de bonnes choses. Que la raison et le travail productif donnent un sens au monde. Les livres …
David Boaz - Un libertarien considère que chaque individu a le droit de mener sa vie comme il l'entend tant qu'il respecte les droits des autres. Il estime que l'État n'a pas à se mêler de sa vie privée et de son activité économique. Les libertariens sont des conservateurs sur les plans économique et fiscal, mais ils sont libéraux sur les questions sociales. Autrement dit, il s'agit d'un hybride étrange de Républicains et de Démocrates, foncièrement attachés aux idéaux du capitalisme et aux mythes fondateurs de l'Amérique : la liberté, l'anti-étatisme, le laisser-faire, l'individualisme, le populisme, la propriété privée, l'entreprise et la concurrence.
O. G. - Avez-vous toujours été libertarien ?
D. B. - Probablement. Mes parents étaient des Démocrates jeffersoniens qui devinrent par la suite républicains : ils m'ont transmis le culte de la Constitution. Ils m'ont fait comprendre à quel point il était important que notre Loi fondamentale limite les pouvoirs du gouvernement. Dans ma jeunesse - j'ai grandi au Kentucky -, j'ai beaucoup lu, notamment des magazines conservateurs comme la National Review de William Buckley ou le New Guard Magazine. J'ai également dévoré Economics in one Lesson du grand journaliste Henry Hazlitt, un thuriféraire de Bastiat et de son ouvrage La Loi qui m'a fait découvrir les vertus de l'économie libre de marché. Et puis, surtout, j'ai découvert les romans d'Ayn Rand...
O. G. - À quelle époque ?
D. B. - Quand j'étais au lycée, probablement vers 1970-1971. Ces livres m'ont fait passer du conservatisme au libertarianisme. En effet, les personnages de Rand sont passionnément engagés en faveur de la liberté. Dans Atlas Shrugged (1957), une poignée d'entrepreneurs luttent contre les interventions sociales-étatistes et le politiquement correct de l'époque. John Galt (le personnage principal du roman) et quelques businessmen s'enfuient dans le Colorado d'où ils lancent la rébellion contre l'État et ses sbires collectivistes...
O. G. - Quelles leçons avez-vous retenues de vos lectures adolescentes ?
D. B. - Que chacun a le droit de vivre par et pour soi, avec ce qu'il gagne par ses propres efforts mais sans contraindre autrui. Que chaque individu, à condition qu'il respecte l'égoïsme des autres, est moralement souverain. Il faut vivre sa vie sans culpabilité ; Mme Rand explique dans ses essais et, plus encore, dans ses romans que l'accomplissement de son propre bonheur, rationnellement et selon certaines vertus cardinales telles que l'indépendance, l'intégrité ou l'efficience, est le plus haut but moral de l'homme. « L'homme doit vivre pour son propre intérêt, ne sacrifiant ni lui-même aux autres, ni les autres à lui-même », écrit-elle. C'est la clé de l'estime de soi. Ses romans ont une dimension éthique, métaphysique et philosophique très puissante.
O. G. - À savoir ?
D. B. - Que les gens qui réussissent font de bonnes choses. Que la raison et le travail productif donnent un sens au monde. Les livres …
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