La Grèce va-t-elle sortir de la zone euro ? Telle est la question qu'à la fin de l'été dernier se posaient nombre de commentateurs à Athènes et dans diverses capitales européennes (1). Les deux plans d'austérité (2) mis en place par le gouvernement socialiste de Georges Papandréou - le premier en mai 2010 et le second en juin 2011 - et assortis d'une aide massive du FMI et de l'Union européenne (110 milliards puis 158,6 milliards d'euros) n'ont pas produit les résultats escomptés. La réduction des dépenses publiques a été partiellement réalisée. Mais les recettes, elles, sont toujours en berne, notamment en raison d'une fraude fiscale généralisée. La chute spectaculaire, en août et en septembre derniers, des valeurs boursières des banques européennes - françaises en particulier - impliquées dans le financement de l'économie hellénique sont les signes précurseurs d'une faillite de l'État grec, qui peine à rembourser ses emprunts extérieurs et à assurer le paiement de ses fonctionnaires. Une émigration en forte hausse, une croissance spectaculaire du taux de suicide (3) et une suite ininterrompue de conflits sociaux : telles sont, depuis deux ans, les marques les plus visibles de la désespérance d'un peuple qui ne croit plus en son avenir. La multiplication des défaillances de petites entreprises, qui constituent l'essentiel du tissu économique grec, a entraîné à la mi-2011 un bond du chômage sur un an de 12 à 16,6 % (4) et une récession de l'ordre de 5 % (5). Depuis les dernières élections législatives remportées en 2009 (6) par le Mouvement socialiste panhellénique (Pasok), les Grecs vivent un cauchemar dont ils n'entrevoient pas la fin. Leur pouvoir d'achat a reculé de quelque 15 %. Certes, leurs efforts ont permis de réduire la dette publique, qui est passée de 15,4 % du PIB en 2009 à 10,5 % en 2010. Mais il est d'ores et déjà acquis que l'objectif fixé pour 2011 - 7,4 % du PIB - ne sera pas atteint. La population, qui supporte de plus en plus mal la détérioration de son niveau de vie, s'oppose à la politique gouvernementale d'austérité. À l'initiative du mouvement « Je ne paie pas », certains refusent de payer les transports en commun ou exigent des baisses de loyer. Quant aux manifestations d'« indignés » qui ont fait le plein durant tout l'été 2011, elles ont eu pour conséquence de paralyser la vie économique, en particulier le secteur du tourisme, principale source de richesses du pays. Le programme de privatisation du secteur public, annoncé par le gouvernement Papandréou à la mi-2011 mais qui tarde à trouver un début d'application, a créé un sentiment d'humiliation chez les Grecs qui craignent de voir le patrimoine national bradé pour une bouchée de pain (50 milliards d'euros). Leur défiance s'étend à l'ensemble de la classe politique, droite et gauche confondues (7). Jamais la Grèce n'a connu un tel rejet de son système de gouvernement (sauf, bien sûr, lors de la dictature des colonels (1967-1974)). L'absence de structures administratives en état de marche explique largement l'incapacité des responsables grecs à mettre en oeuvre les réformes annoncées, auxquelles plus personne ne croit tant en Grèce qu'à l'étranger. Antonis Samaras, le chef de l'opposition, a refusé de soutenir les mesures d'austérité du gouvernement Papandréou, qu'il estime improvisées et vouées à l'échec. Il prône, au contraire, une relance de l'économie par la baisse des impôts, dans laquelle il voit la condition clé du redressement national. J. C.
Jean Catsiapis - La Nouvelle Démocratie a dû céder le pouvoir après sa cuisante défaite aux élections législatives de 2009. Pourquoi votre parti, dont vous avez pris les rênes au lendemain de cette déroute électorale (8), a-t-il laissé la Grèce s'enfoncer dans la crise ?
Antonis Samaras - Nous avions élaboré une série de réformes pour chasser les « mauvais démons » du pays, mais le Pasok, qui était alors dans l'opposition, a tout fait pour qu'elles ne soient pas appliquées. Pis : alors que nous nous efforcions de remettre la Grèce sur les rails, les socialistes promettaient aux électeurs de « distribuer de l'argent ». Lorsqu'on leur rappelait que le monde entier était en récession et que l'Europe connaissait d'immenses déficits, ils criaient sur tous les toits : « De l'argent, il y en a ! » C'est ainsi qu'ils ont été élus. En fait, le Pasok s'est engagé à ne toucher à aucun des poisons qui ont conduit la Grèce au bord du précipice : l'étatisme, la gabegie du secteur public, l'hypertrophie de la bureaucratie ; bref, tout ce qui engendre la corruption, qui enfonce le pays dans les déficits budgétaires et les dettes, et qui ronge sa compétitivité. Les gouvernements de la Nouvelle Démocratie ont essayé de résister, ils ont marqué quelques points ; mais, finalement, ils ont hésité face à la forte capacité de mobilisation du Pasok. Ils ont manqué de courage.
J. C. - Aujourd'hui, les rôles sont inversés : le Pasok est aux affaires et la Nouvelle Démocratie dans l'opposition. Vos rapports ont-ils changé ?
A. S. - Le Pasok se complaît dans l'hypocrisie la plus totale. Il est maintenant contraint de défendre des positions qu'il avait combattues avec acharnement quand il se trouvait dans l'opposition. La différence, c'est que nous, nous jouons le jeu : depuis dix-huit mois, nous avons approuvé la moitié des projets de réforme du gouvernement, alors que le Pasok, en cinq ans et demi, n'en avait voté que cinq ! Et encore, nous en aurions approuvé davantage si le gouvernement avait osé s'en prendre réellement aux intérêts de ses amis. En tout cas, je peux vous dire une chose : je n'ai aucune intention de « rendre la pareille ». Je ne ferai aucune promesse que je ne pourrai pas tenir. Je ne prendrai pas le peuple en traître. Je lui tiendrai le langage de la vérité. Si je veux être élu premier ministre, ce n'est pas pour distribuer l'argent dont je ne dispose pas. C'est pour réaliser les grandes réformes dont mon pays a besoin. Mais je le ferai en accord avec le peuple grec.
J. C. - À votre avis, qui est responsable de la falsification des statistiques sur la base desquelles la Grèce est devenue membre de la zone euro (9) ? Les partis politiques ou l'administration ?
A. S. - La position officielle de la Grèce (et de la Commission), c'est qu'il n'y a pas eu, au cours de la période 2000-2002, qui a vu …