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ISRAEL FACE A LA RECOMPOSITION DU MOYEN-ORIENT

À lire et à entendre les observateurs les plus avisés du Proche et du Moyen-Orient, tout irait mal pour Israël (1). La recomposition géopolitique de la région - prise dans son acception la plus large, c'est-à-dire du Maghreb à l'Iran -, en pleine accélération en 2011, affecterait déjà directement l'État juif. De fait, sur cinq dossiers au moins, il apparaît peu contestable que les pièces du puzzle ne s'orientent pas vers un ensemble idéal pour la sérénité du gouvernement de Jérusalem : le printemps arabe ; l'offensive diplomatique palestinienne et l'isolement israélien qui en découle ; le profond revirement turc ; la montée en puissance de l'Iran et de ses alliés ; enfin, la situation sociale interne à l'État hébreu et le mouvement des « indignés ». Un contexte dégradé... Le printemps arabe, mauvaise saison pour Israël C'est peu de dire que le printemps arabe n'a pas enthousiasmé les hauts responsables politiques et militaires israéliens. Certes, aux yeux de la rue progressiste de Tel-Aviv, le vaste mouvement de contestation populaire enclenché en Tunisie en décembre 2010 ne constitue pas, a priori, un événement défavorable - surtout s'il accouche de véritables régimes démocratiques. Outre l'aspect humain et moral, on sait en Israël comme dans toute société profondément démocratique que deux démocraties ne se sont jamais fait la guerre. Pourquoi cette règle ne fonctionnerait-elle pas au profit de l'État hébreu ? Mais ce sentiment populaire, exprimé notamment au cours des manifestations sociales des « indignés », en août 2011, ne rejoint pas le réalisme des stratèges hébreux. D'abord, sur les plans psychologique et diplomatique, Israël risque de perdre l'un de ses plus précieux arguments rhétoriques : « Nous sommes l'unique démocratie du Proche-Orient » (2). Rien n'est acquis quant à l'installation de régimes authentiquement démocratiques à l'heure où ces lignes sont écrites, mais il semble qu'en Tunisie au moins, en Libye et en Égypte peut-être, des scrutins libres et transparents soient imminents, et que des forces démocratiques aient de grandes chances d'y faire bonne figure. Ensuite, la chute du président égyptien Hosni Moubarak et la perspective de l'effondrement du régime syrien de Bachar el-Assad impliquent des menaces militaires. Qui accédera au pouvoir après Moubarak - lequel coopéra si bien contre le Hamas retranché à Gaza, au moins durant les cinq dernières années de son règne ? Qui succéderait à Assad s'il chutait, lui dont l'immense qualité aux yeux des dirigeants israéliens est la prévisibilité ? Cruel, retors et sans le moindre scrupule, mais connaisseur pragmatique et rationnel des froids rapports de force, ainsi est perçu Bachar el-Assad outre-Golan. Dans les deux cas, la perspective de voir triompher une coalition islamo-nationaliste à la soudanaise inquiète Jérusalem. Encore n'évoque-t-on ici que Le Caire et Damas ; mais que se passerait-il si le fragile royaume hachémite de Jordanie, en paix (et en pleine coopération) avec Israël, était balayé par le printemps arabe ? La majorité palestinienne n'y prendrait-elle pas le pouvoir ? N'exprimerait-elle pas des revendications irrédentistes vers la Cisjordanie voisine tout en rendant poreuse …