Les Grands de ce monde s'expriment dans

LA TRES PRAGMATIQUE COOPERATION NORDIQUE

La double attaque meurtrière commise le 22 juillet 2011 par un extrémiste norvégien, Anders Behring Breivik, a été vécue comme un choc dans les autres États nordiques. Comme si chacune des 77 personnes tuées, dont 69 sur l'île d'Utoeya, près d'Oslo, avait eu de la famille dans les pays voisins, comme si le plan machiavélique imaginé par son auteur, « croisé » autoproclamé en guerre contre l'islamisation et le multiculturalisme, avait également visé les valeurs mises en avant en Europe du Nord. Un mois plus tard, les dirigeants danois, finlandais, islandais et suédois se rendaient à Oslo pour rendre un dernier hommage aux victimes, aux côtés des Norvégiens. Et pour mieux montrer leur solidarité, ils ont décidé de modifier le thème central de la session annuelle du Conseil nordique, le principal organe de coopération entre États de la région : début novembre 2011, les membres des gouvernements et des parlements nordiques présents à Copenhague débattront des meilleurs moyens de préserver, contre les extrémismes, les « sociétés ouvertes » qui, au fil du temps, ont vu le jour sous ces latitudes et sont désormais tentées par un certain repli sur elles-mêmes. Cette tradition pragmatique et tolérante constitue l'un des piliers du « modèle nordique » qui fut à l'honneur lors du dernier Forum économique mondial de Davos (1). L'autre pilier associe un dynamisme économique et un dialogue social poussés. Le fait est que, bon an mal an, les pays nordiques affichent des performances qui ne passent pas inaperçues. Hormis l'Islande - un cas à part (2) -, ils ont limité les dégâts durant la crise financière de 2008, non sans avoir tiré les leçons de la crise précédente qui les avaient touchés, pour certains (Danemark, Norvège) dès les années 1980, pour d'autres (Suède, Finlande) dans la première moitié des années 1990. De nos jours, la Suède peut se targuer de résultats remarquables en termes de croissance et d'équilibre budgétaire, même si la crise de la dette affecte aussi ce pays et ses voisins nordiques (3). La Finlande et le Danemark - plus lents à rebondir après la crise de 2008 - s'en tiraient tout de même plutôt bien en 2011 (4). Quant à la Norvège, elle a pu s'appuyer sur ses importantes ressources en hydrocarbures pour surmonter les difficultés. Tout n'est pas rose en cette période de lourdes incertitudes économiques et notamment en matière d'emploi (5). Pourtant, dans l'ensemble, les pays nordiques s'en sortent plutôt bien. Les modèles sociaux façonnés sous les latitudes septentrionales résistent, même s'ils sont soumis à plus de tensions qu'auparavant. La recherche du consensus reste la colonne vertébrale de sociétés sensiblement comparables, à défaut d'être identiques. Le dialogue entre syndicats et employeurs fonctionne peu ou prou, malgré une lente érosion du taux d'adhésion syndicale. Les alternances politiques entre centre gauche et centre droit n'ont pas fondamentalement remis en cause le principe d'un État-providence financé par une forte fiscalité. Enfin, les secteurs publics - allégés au fil du temps mais toujours importants - coexistent avec des secteurs privés …