L'Europe est entrée cet été dans un engrenage déflationnaire dont le déclenchement, lié à une nouvelle erreur de gouvernance économique commise depuis la fin de la dernière récession, ruine les espoirs des États européens de mener des stratégies de désendettement ordonné. Que s'est-il passé ? Pour le comprendre, il convient de revenir sur la genèse des deux chaînes causales dont la mise en résonance est finalement responsable de la situation actuelle : d'un côté, les événements associés à la grande crise financière 2007-2010 ; de l'autre, la problématique des dysfonctionnements qui, depuis le début, marquent la brève histoire de l'Union monétaire européenne et de sa monnaie unique. L'espoir frustré de la sortie de crise Lors d'une crise, il y a toujours un élément déclencheur. Cet été, c'est la prise de conscience que l'espoir d'une sortie de crise fondée sur le retour à une croissance durable était en train de s'évanouir qui a joué ce rôle. La révélation des mauvais résultats du PNB américain au deuxième trimestre 2011, puis la mauvaise surprise qu'il en allait de même en Allemagne - la locomotive de l'Union européenne - ont accéléré cette prise de conscience. Pourtant, depuis un peu plus d'un an, on assistait en Allemagne à l'amorce d'un boom économique fondé non plus seulement sur l'exportation, mais sur un assainissement durable des structures de production. Les graphiques présentés par François-Xavier Chauchat, économiste chez Gavekal (une société d'analyses économiques et financières française installée à Hong Kong), lors d'une intervention à l'Institut Turgot, fin janvier 2011 (1), pointaient tous dans la même direction : la reprise qui se dessinait en Allemagne et en Europe du Nord depuis le début 2010 et, par entraînement, dans le reste de l'Europe depuis le second semestre 2010 était faite pour durer, car liée à des facteurs d'offre (supply) et non plus uniquement à la demande. Depuis 2005, l'Allemagne a digéré le poids financier, économique et social de sa réunification. Ses entreprises se sont organisées pour tirer pleinement parti des nouvelles opportunités offertes par la grande vague d'élargissement à l'Est intervenue au début des années 2000. L'intégration des ressources des pays européens à bas salaires dans les processus de production a permis de réaliser d'importantes économies de spécialisation. Il en est résulté une forte progression de la productivité entraînant une baisse des coûts unitaires de production, donc un surcroît de compétitivité, et surtout le retour de marges de rentabilité comme on n'en avait plus enregistré depuis longtemps. Ce qui laissait penser que la reprise ne serait pas un feu de paille, mais bel et bien un espoir solide sonnant enfin la sortie de la crise. C'est sur ces prévisions optimistes que reposaient en grande partie les scénarios élaborés pour le sauvetage financier de la Grèce. Or voilà que, soudain, le scénario sur lequel tout est construit s'effondre. La disparition de la croissance implique, en effet, que les recettes fiscales vont de nouveau plonger alors que, dans le même temps, les dépenses sociales exploseront. Toute l'arithmétique du sauvetage des finances publiques …
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