Il y a quelques semaines, alors que des déserteurs des forces armées syriennes regroupés dans l'Armée syrienne libre (ASL) venaient d'effectuer deux attaques contre les positions gouvernementales, à Idleb et à Damas, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, recevait à Moscou Catherine Ashton. Relayant les appels de certains dirigeants arabes, la chef de la diplomatie européenne réitérait à cette occasion la position de l'UE et appelait le président Bachar al-Assad à démissionner (1). En revanche, lors d'une conférence de presse tenue à l'issue de cette rencontre, Sergueï Lavrov préférait, lui, mettre l'accent sur les opérations de l'ASL et proclamait que « en recourant à de telles méthodes, l'opposition fera basculer la Syrie dans la guerre civile ». Cette différence d'approche illustre le fossé qui sépare les Occidentaux de la Russie sur le dossier syrien. Désormais engagés dans une action diplomatique visant à accélérer la transition politique en Syrie, les pays membres de l'UE et les États-Unis comprennent mal l'obstination russe à défendre un régime qu'ils considèrent, pour leur part, comme criminel. Depuis que les manifestations ont débuté en Syrie, à la mi-mars, le Kremlin s'est posé en principal soutien du pouvoir de Bachar al-Assad. Si la Chine et d'autres pays, au premier rang desquels le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud, se positionnent aux côtés de la Russie, cette dernière reste à la pointe de la défense du régime syrien. Affirmant défendre la « ligne objective » qui consisterait à laisser les Syriens décider par eux-mêmes, les dirigeants russes font barrage à toutes les initiatives susceptibles de mettre leur allié en difficulté. On ne peut que s'interroger sur les motivations de Moscou. Où ce soutien trouve-t-il son origine ? Est-il aussi indéfectible que Damas semble le croire ? Qu'implique-t-il pour le futur de la Russie dans la région ? Une relation mouvementée Les relations de la Russie avec la Syrie sont intimement liées à l'histoire contemporaine du Moyen-Orient. Comme les États-Unis, l'URSS a rapidement compris l'intérêt stratégique de la région. Au temps des tsars, déjà, l'enclavement continental de l'empire l'avait poussée à rechercher vers l'Ouest et la Méditerranée une porte d'accès aux océans. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'URSS, nouvelle puissance politique et militaire, révèle des ambitions régionales. Le démembrement progressif des empires coloniaux lui offre une occasion rêvée de s'imposer. Les États nouvellement indépendants sont un terrain propice à la propagation de ses idées. Leurs conditions économiques les ouvrent à la diffusion du message socialiste. Mais, de même que l'Amérique, l'URSS est plus intéressée par le pétrole et par une présence militaire en Méditerranée que par la diffusion de son idéologie. Moscou s'attache alors à entretenir de bonnes relations avec l'ensemble des pays du Moyen-Orient, Israël y compris. Mais la Syrie occupe une place à part dans son dispositif. Reconnue dès 1944 par l'URSS, deux ans avant son indépendance effective, la République syrienne s'impose comme un acteur régional essentiel, aux côtés de l'Égypte, leader du nationalisme arabe. Elle doit toutefois attendre le début des …
Ce site est en accès libre. Pour lire la suite, il vous suffit de vous inscrire.
J'ai déjà un compte
M'inscrire
Celui-ci sera votre espace privilégié où vous pourrez consulter à tout moment :
- Historiques de commandes
- Liens vers les revues, articles ou entretiens achetés
- Informations personnelles