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HONG KONG : LES SECRETS D'UNE REUSSITE

L'entretien que Donald Tsang a accordé à Politique Internationale est exceptionnel. Le numéro un de Hong Kong s'apprête, en effet, à tirer sa révérence. Il livre ici son testament politique après presque six ans au pouvoir. M. Tsang aura dirigé Hong Kong « discrètement ». Il a surtout eu le grand mérite de gérer la crise de 2007-2008 sans à-coups. Ses adversaires lui reprochent d'avoir fait preuve de « zèle » à l'égard de Pékin et de ne pas avoir marqué la région de son empreinte. S'il n'appartient à aucun parti (1), il soutient le pluralisme politique - un pluralisme que le gouvernement chinois tolère dans l'enclave. À l'écouter, on comprend que son successeur, qui sera désigné par les grands électeurs le 25 mars prochain (2), n'aura pas la tâche aisée... Après avoir connu une croissance de près de 5 % en 2011, Hong Kong s'apprête, en effet, à affronter une année 2012 difficile. Paradis de la finance, l'ancienne colonie britannique rétrocédée à la Chine en 1997 devrait subir les effets de la crise qui secoue l'Europe et les États-Unis. Le « port aux parfums » restera la ville la plus riche de Chine, mais son taux de croissance pourrait tomber sous la barre des 2 %. Le futur patron de ce territoire surpeuplé (plus de 7 millions d'habitants) devra gérer ce ralentissement économique et affronter le mécontentement grandissant des classes moyennes dont le pouvoir d'achat s'amenuise. Et cela, sous le regard vigilant de Pékin, qui suit de très près les humeurs de Hong Kong - un laboratoire remuant pour une Chine confrontée, elle aussi, à une grogne sociale en augmentation constante. Donald Tsang, qui a souhaité nous recevoir dans le tout nouveau siège de l'exécutif, un immense complexe flambant neuf à quelques encablures du centre historique de la ville, est un partisan de la démocratisation de la vie publique. Il promet que son successeur sera le dernier chef de l'exécutif de Hong Kong élu par les grands électeurs : lors de l'élection suivante, en 2017, le titulaire du poste sera désigné via le suffrage universel. En attendant, Henry Tang, ancien premier secrétaire de l'administration de Hong Kong, est le grand favori de la Chine, ce qui facilitera son élection en mars prochain puisque les délégués adoubés par Pékin disposent de la majorité au sein du Conseil. Il a cependant été accusé d'avoir eu une liaison extraconjugale, ce qui l'a sans doute affaibli. Sur le dossier économique, M. Tsang se montre confiant, malgré les effets attendus de la crise. Il annonce que Hong Kong va devenir le « fer de lance » de l'internationalisation du renminbi (la monnaie chinoise). Celle-ci prend, chaque jour, plus d'importance dans la RAS - qui devrait toutefois conserver sa monnaie (le dollar de Hong Kong) et son système politique jusqu'en 2047, soit cinquante ans après le transfert de souveraineté. U. G. Ulysse Gosset - Depuis 1997, Hong Kong jouit d'un statut particulier en vertu du principe « un pays, deux systèmes » (3). Ce statut sera en vigueur jusqu'en 2047. Pourtant, de nombreux experts occidentaux redoutent que la ville et sa région soient rapidement « absorbées » par la Chine. Partagez-vous ces craintes ? Donald Tsang - C'est un fait historique : nous avons été séparés de notre nation pendant presque un siècle et demi avant la réunification de 1997. Cette réunification a entraîné de nombreux avantages pour Hong Kong et sa population. Nous pouvons désormais jouer un rôle majeur dans le développement de notre pays commun tout en continuant de cultiver nos atouts spécifiques : les services financiers, logistiques, les services aux entreprises... Une synergie notable est née, profitable à la fois à la Chine continentale et à Hong Kong. Permettez-moi de vous rappeler que Hong Kong est considérée comme l'économie la plus libérale du monde depuis 1995, selon la Heritage Foundation, et depuis 1970 par les Instituts Cato et Fraser. Mieux encore : nous avons été qualifiés d'« économie la plus compétitive du monde » dans le Livre annuel mondial de la compétitivité (4) de 2011. La population de Hong Kong dispose d'un fort degré d'autonomie. L'état de droit règne dans tous les domaines. Nous disposons de systèmes judiciaire, douanier, juridique, monétaire, fiscal et d'immigration distincts et indépendants - tout cela en vertu du principe « un pays, deux systèmes », que notre Loi fondamentale garantit. Nous jouissons de la liberté d'expression, de presse, de réunion, de mouvement, de religion et de recherche académique, ainsi que du droit de vote et du droit de nous présenter à des élections. Tous ces éléments forment le socle de notre statut unique de Région administrative spéciale (RAS) de Chine. Croyez-moi, la population de Hong Kong préserve jalousement ces droits et ces libertés ! U. G. - Qu'est-ce que la réunification a changé pour Hong Kong sur le plan international ? D. T. - Après notre réunification avec la Chine, Hong Kong a continué à jouer un rôle distinct dans différents forums mondiaux tels que l'Organisation mondiale du commerce, la Coopération économique Asie-Pacifique, le C40 (5), l'Organisation maritime internationale ou encore la Banque asiatique de développement. Nous envoyons même nos propres équipes d'athlètes aux Jeux olympiques et aux Jeux asiatiques. À l'exception de la Défense et des Affaires étrangères, qui sont de la responsabilité du gouvernement central, nous gérons nous-mêmes toutes les affaires qui sont de la compétence normale d'un État. Vous l'aurez compris : l'unification n'a pas mis à mal le statut unique et le mode de vie de Hong Kong. Nous demeurons une région à part au sein de la Chine. U. G. - La population de Hong Kong veut davantage de démocratie. Cette demande se manifeste souvent par des rassemblements dans les rues de la ville. Les contestataires réclament, notamment, l'élection du Chef de l'exécutif au suffrage universel. Comment réagissez-vous à de telles requêtes ? D. T. - Pendant mon …