Une photo orne l'entrée du bureau du président de Ferrari, au sein de la grande usine de Maranello, située à 80 kilomètres au nord de Bologne. On y voit Luca Cordero di Montezemolo trépigner sur la ligne d'arrivée à côté du commissaire de course qui est en train d'abaisser le drapeau à damiers blanc et noir au passage de la Ferrari 312B pilotée par Niki Lauda. Le cliché a été pris lors du Grand prix d'Espagne le 8 avril 1974. C'était la première victoire, aussi bien pour Niki Lauda dans l'écurie du cheval cabré que pour l'industriel qui, trois ans plus tôt, avait pris en main les destinées du groupe automobile. Vingt ans ont passé depuis que Luca di Montezemolo a succédé à Piero Fusaro à la tête de Ferrari, le 15 novembre 1991. Dans une lettre à tous les salariés du groupe, le nouveau président exposait ce qui est resté son leitmotiv : « Vous pouvez tout faire si vous avez l'enthousiasme » (1). L'enthousiasme, cet industriel hyper-médiatique de 64 ans l'aura, sa vie durant, mis au service de ses usines, des circuits automobiles, du patronat et de la politique italienne. S'il ne s'est pas encore lancé dans une carrière au Parlement, ce n'est sans doute pas faute d'envie, mais parce que l'occasion ne s'est pas présentée. Il est reconnu comme une valeur sûre par tous les partis modérés qui aspirent à former un Troisième Pôle entre gauche et droite, entre réformateurs d'inspiration communiste et partisans de Silvio Berlusconi. Issu d'une famille de l'aristocratie piémontaise longtemps attachée à la Maison de Savoie, le marquis Luca Cordero di Montezemolo, après des études de droit à l'université Sapienza de Rome, puis à l'université Columbia de New York, fréquente divers cabinets d'avocats internationaux tout en commençant à devenir un assidu des circuits automobiles. Il se lie d'amitié avec un rejeton de la famille Agnelli, Cristiano Rattazzi, participe avec lui à diverses courses et se fait remarquer par Enzo Ferrari, dit The Drake, qui l'embauche comme assistant en 1973. Son entregent le propulse rapidement à des postes de haute responsabilité : chef des relations extérieures du groupe Fiat en 1977 ; responsable de la participation italienne à l'America's Cup en 1986 ; et, enfin, directeur général du comité d'organisation de la Coupe du monde de football en 1990. Après un passage au quotidien La Stampa, puis chez l'éditeur Rizzoli et au conseil d'administration de TF1, il revient chez Ferrari en 1991 pour en prendre la présidence. Il fait venir à ses côtés le Français Jean Todt et conquiert cinq titres successifs de champion du monde des constructeurs. En mai 2004, il est appelé dans des circonstances dramatiques à succéder au président de Fiat Umberto Agnelli qui vient de disparaître après avoir lui-même pris l'année précédente les rênes du groupe automobile à la mort de son frère, l'Avvocato Giovanni Agnelli. Montezemolo, qui a la pleine confiance de la famille, restera à la tête de Fiat jusqu'en 2010, cumulant cette charge pendant quatre ans, à partir de mai 2004, avec celle de président du patronat italien. Libéral convaincu, Luca Cordero di Montezemolo ne manque aucune occasion d'appeler l'Italie à opérer de « profondes réformes ». Il le déclarait déjà dans un entretien accordé à Politique Internationale (numéro 104, hiver 2004-2005). Il énonçait à l'époque cinq grandes réformes (accroissement de la concurrence, justice, relance de la croissance, augmentation de la productivité, investissements dans le Mezzogiorno) qui constituent précisément l'ossature de la cure d'austérité que le gouvernement de l'ancien commissaire européen - et tout nouveau président du Conseil - Mario Monti a fait adopter juste avant Noël par le Parlement italien. R. H.
Entretien avec Luca Cordero di Montezemolo*
* Président de Ferrari depuis 1991. Président de la Confindustria (2004-2008). Président de Fiat (2004-2010).
italie : un patron dans l'arène
Cet entretien a été conduitpar Richard Heuzé**
** Correspondant du Figaro à Rome.
Une photo orne l'entrée du bureau du président de Ferrari, au sein de la grande usine de Maranello, située à 80 kilomètres au nord de Bologne. On y voit Luca Cordero di Montezemolo trépigner sur la ligne d'arrivée à côté du commissaire de course qui est en train d'abaisser le drapeau à damiers blanc et noir au passage de la Ferrari 312B pilotée par Niki Lauda. Le cliché a été pris lors du Grand prix d'Espagne le 8 avril 1974. C'était la première victoire, aussi bien pour Niki Lauda dans l'écurie du cheval cabré que pour l'industriel qui, trois ans plus tôt, avait pris en main les destinées du groupe automobile.
Vingt ans ont passé depuis que Luca di Montezemolo a succédé à Piero Fusaro à la tête de Ferrari, le 15 novembre 1991. Dans une lettre à tous les salariés du groupe, le nouveau président exposait ce qui est resté son leitmotiv : « Vous pouvez tout faire si vous avez l'enthousiasme » (1). L'enthousiasme, cet industriel hyper-médiatique de 64 ans l'aura, sa vie durant, mis au service de ses usines, des circuits automobiles, du patronat et de la politique italienne. S'il ne s'est pas encore lancé dans une carrière au Parlement, ce n'est sans doute pas faute d'envie, mais parce que l'occasion ne s'est pas présentée. Il est reconnu comme une valeur sûre par tous les partis modérés qui aspirent à former un Troisième Pôle entre gauche et droite, entre réformateurs d'inspiration communiste et partisans de Silvio Berlusconi.
Issu d'une famille de l'aristocratie piémontaise longtemps attachée à la Maison de Savoie, le marquis Luca Cordero di Montezemolo, après des études de droit à l'université Sapienza de Rome, puis à l'université Columbia de New York, fréquente divers cabinets d'avocats internationaux tout en commençant à devenir un assidu des circuits automobiles. Il se lie d'amitié avec un rejeton de la famille Agnelli, Cristiano Rattazzi, participe avec lui à diverses courses et se fait remarquer par Enzo Ferrari, dit The Drake, qui l'embauche comme assistant en 1973. Son entregent le propulse rapidement à des postes de haute responsabilité : chef des relations extérieures du groupe Fiat en 1977 ; responsable de la participation italienne à l'America's Cup en 1986 ; et, enfin, directeur général du comité d'organisation de la Coupe du monde de football en 1990. Après un passage au quotidien La Stampa, puis chez l'éditeur Rizzoli et au conseil d'administration de TF1, il revient chez Ferrari en 1991 pour en prendre la présidence. Il fait venir à ses côtés le Français Jean Todt et conquiert cinq titres successifs de champion du monde des constructeurs. En mai 2004, il est appelé dans des circonstances dramatiques à succéder au président de Fiat Umberto Agnelli qui vient de disparaître après avoir lui-même pris …