Les Grands de ce monde s'expriment dans

POUR UNE TRANSITION REUSSIE

À 79 ans, Abdel Halim Khaddam a fait un retour remarqué sur la scène politique syrienne en novembre dernier, en créant une nouvelle formation : le Conseil national de soutien à la révolution (CNSRS). Après avoir servi pendant 35 ans le pouvoir baasiste - d'abord le père, Hafez al-Assad, puis le fils, Bachar -, l'ancien ministre des Affaires étrangères et vice-président syrien a fait défection et rompu avec le régime en 2005. Réfugié à Paris, il a alors accusé Bachar al-Assad d'avoir ordonné l'assassinat qui a coûté la vie à l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri. Contraint au silence en raison du rapprochement opéré par la diplomatie française en direction de Damas, il s'exprime à nouveau ouvertement depuis que Paris dénonce haut et fort la répression. Son Conseil de soutien à la révolution syrienne s'est donné pour objectif d'unifier les différents courants de l'opposition, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays, afin de faciliter la transition après la chute de Bachar al-Assad. Abdel Halim Khaddam aimerait aussi tenir à distance les Frères musulmans - qui « dominent », selon lui, le Conseil national syrien (CNS) (1), principal mouvement d'opposition. En tout cas, sa bonne connaissance des arcanes du pouvoir, du parti Baas et de l'armée, ainsi que les relais dont il continue de disposer à l'intérieur du pays lui confèrent un poids particulier dans la crise actuelle. Dans les chancelleries occidentales, on estime que cet ancien baasiste pourrait même inciter certains cadres du parti à prendre leurs distances à l'égard du régime et rassurer les militaires. Mais son passé suscite, il est vrai, de nombreuses réticences parmi les opposants. Ces derniers restent, d'ailleurs, très divisés, notamment sur la question d'une intervention militaire étrangère qu'appelle de ses voeux M. Khaddam. I. L. Isabelle Lasserre - Est-ce la fin du régime de Bachar al-Assad ? Abdel Halim Khaddam - Nous assistons, en effet, au début de la chute du régime. Après dix mois de révolte, celui-ci commence à s'épuiser. En commettant tous ces crimes, le clan au pouvoir s'est placé en situation de guerre vis-à-vis du peuple, dont il est devenu l'ennemi. Les choses sont allées tellement loin que plus jamais les Syriens ne pourront accepter de revenir en arrière. Malgré la violence de la répression, le peuple a tenu bon. Il réclame la chute du régime et exige que les responsables de ces atrocités soient jugés. Mais tout le monde est désormais conscient que si le régime s'accroche trop longtemps, les Syriens seront obligés de prendre les armes pour se défendre. Si nous en arrivons à cette extrémité, ce sera le chaos garanti. La région entière pourrait être déstabilisée. La deuxième raison qui me fait croire que la fin du régime approche, c'est que les opinions publiques des pays arabes ont commencé à bouger. Les gouvernements de ces pays ne peuvent plus l'ignorer. Enfin, il existe une véritable scission au sein de l'armée syrienne. Les militaires réalisent que les responsables politiques les ont placés dans une position très délicate. Ils sont désormais persuadés que le régime actuel ne pourra pas s'éterniser. Alors pourquoi continueraient-ils à commettre des exactions contre les civils ? I. L. - Quels sont les hommes forts en Syrie aujourd'hui ? A. H. K. - Le principal responsable est, bien sûr, Bachar. C'est lui qui est à la manoeuvre. Il croit que la violence le protège. Mais on ne peut pas blanchir ceux qui l'entourent. Ils sont ses associés, ses complices ; ils l'aident à faire exécuter les ordres. Parmi eux il y a Maher al-Assad (2), son frère, qui règne sur la sphère militaire, son cousin Rami Makhlouf (3) qui gère les finances et l'économie et Hafez Makhlouf (4), un autre cousin, qui s'occupe des questions de sécurité. La répression est conduite par une poignée d'hommes : les directeurs des services de sécurité et une dizaine d'officiers appartenant à la famille de Bachar. I. L. - Quels sont les piliers du régime ? A. H. K. - Le régime s'appuie sur tous ceux qui ont du sang sur les mains. Ils restent parce qu'ils ont peur. Ils ont pillé la Syrie. Il s'agit des proches et des cousins de Bachar. Son clan est aussi composé de quelques hommes d'affaires que lui et sa clique ont utilisés pour gérer leur business. Ces gens sont connus et figurent sur les listes noires de l'Union européenne (5) et des États-Unis. I. L. - Pensez-vous que la communauté internationale devrait intervenir militairement en Syrie ? A. H. K. - De nombreux manifestants réclament désormais une intervention pour les aider à bâtir une Syrie libre et démocratique. Personnellement, je le demande depuis plusieurs mois déjà. À l'époque, j'avais été critiqué par l'opposition syrienne... Le peuple est confronté à une armée entière. Chaque jour, …