Les Grands de ce monde s'expriment dans

DAVID CAMERON A LA PEINE

La lettre en soi est assez extraordinaire. Un ministre en exercice, et non des moindres - le ministre du Commerce -, critique vertement la politique de son propre gouvernement. Dans un courrier (1) daté du 8 février dernier, adressé au premier ministre David Cameron et à son vice-premier ministre Nick Clegg (2), et rendu public par la BBC un mois plus tard, le libéral-démocrate Vince Cable (3) estime que le gouvernement en place est « dépourvu d'un élément important ». « Il lui manque une vision claire de la direction vers laquelle le pays se dirige, au-delà de la sortie du marasme fiscal ; un message clair et confiant sur la manière dont nous mènerons notre vie dans l'avenir », écrit-il. Cette lettre a provoqué un certain émoi, notamment au Trésor britannique qui s'est senti particulièrement visé, au moment où le chancelier de l'Échiquier George Osborne mettait la dernière main à son troisième budget. Or, juste avant la publication de la lettre de Vince Cable, George Osborne venait de prévenir l'opinion que le pays devait à nouveau s'attendre à un budget d'austérité, dans un contexte économique toujours difficile. En général, l'usage veut qu'un membre du gouvernement qui se comporte de la sorte remette immédiatement sa démission. Rien de tel dans le cas présent, tout juste un haussement d'épaules agacé du 10, Downing Street et la page était tournée. Ce qui est également assez extraordinaire. Pourtant, à en croire les députés de tous bords qui acceptent de s'exprimer dans les couloirs du parlement de Westminster, l'explication est claire : « Vince Cable exprime tout haut ce que tout le monde pense tout bas. » Quelle vision pour le Royaume-Uni ? Près de deux ans après son arrivée au 10, Downing Street et alors qu'il s'apprête à entamer la deuxième partie de son mandat (4), David Cameron peine toujours à imposer son style et à définir une stratégie. Au point qu'une question, qui se posait déjà pendant la dernière campagne électorale, devient de plus en plus pressante : le leader des conservateurs, qui est aussi le premier chef de gouvernement conservateur depuis le départ de John Major en 1997, dispose-t-il vraiment d'une vision globale pour le Royaume-Uni ? A-t-il l'ambition d'une Margaret Thatcher, déterminée à radicalement changer son pays, quel que soit le prix à payer, y compris en matière sociale ? A-t-il l'enthousiasme d'un Tony Blair, qui a incarné, au moins pendant son premier mandat et jusqu'au déclenchement du conflit irakien en 2003 (5), une nouvelle Grande-Bretagne, jeune et moderne, et qui a affiché des convictions dites de gauche tout en frayant sans complexes avec le monde des affaires et la City ? Ou David Cameron est-il, comme de plus en plus d'observateurs l'avancent, un homme brillant, plutôt charismatique, mais sans véritables convictions politiques ? À ce jour, sa stratégie tient en une phrase : « Il faut réduire le déficit public. » Cette phrase, il la répète comme un mantra depuis vingt-trois mois. Elle est devenue la seule parade du …