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GRECE : RADIOSCOPIE D'UN DESASTRE

Les plans de sauvetage ont beau se succéder, rien n'y fait : loin de voir sa situation s'améliorer, la Grèce s'enfonce inexorablement dans la crise, avec des conséquences sociales dramatiques, en particulier pour les fonctionnaires, les retraités et les jeunes. Chaque jour qui passe apporte son lot de mauvaises nouvelles : hausse des prix, du chômage, des suicides, de l'émigration, de la dette, des taxes ; baisse des salaires, des retraites, du pouvoir d'achat, du PIB, de la valeur des entreprises publiques à privatiser. Pendant ce temps, la solidarité européenne patine. L'Union européenne presse la Grèce d'accélérer les réformes, mais tarde à débloquer les fonds nécessaires pour remettre le pays à flot. Le couple franco-allemand se chamaille, les Finlandais réclament de l'argent pour payer leur écot (1) et l'extrême droite slovaque bloque le processus pour des raisons de politique intérieure (2). En attendant, le pays se noie, risquant d'entraîner dans sa chute une grande partie de la zone euro. Les Grecs, qui ont le sentiment de revenir cinquante ans en arrière, n'ont plus aucune confiance dans les partis politiques de gauche comme de droite, ni même dans leurs syndicats. Les plus anciens, qui ont connu l'occupation italo-germano-bulgare de 1941 à 1944 (qui fit près de 500 000 morts pour une population de sept millions d'habitants), n'hésitent pas à parler de « néa katochi » (nouvelle occupation). Aujourd'hui, les Grecs se sentent occupés par des forces non pas militaires, mais économiques, financières et bancaires. Les puissances de l'Axe de la Seconde Guerre mondiale ont été remplacées par le FMI, la Banque centrale européenne et la Banque mondiale. Cette idée est d'autant plus ancrée dans les esprits que l'Allemagne reste fortement débitrice vis-à-vis de la Grèce au titre des dommages de guerre, du vol de l'or de la Banque centrale grecque en 1941, ainsi que de la destruction de près de 1 000 villages. Si l'on tient compte des intérêts qui courent depuis 1945, la facture s'élève à quelque 81 milliards d'euros... Mais le contentieux avec l'Allemagne ne s'arrête pas là. L'opinion publique et le gouvernement grecs ont été particulièrement choqués par la récente proposition d'Angela Merkel visant à mettre leur pays sous tutelle européenne. La chancelière a en effet demandé, lors du sommet européen du 30 janvier 2012, que la Commission nomme un commissaire spécial chargé de veiller à la bonne application des réformes, avec le pouvoir de valider ou d'invalider les lois votées par le Parlement d'Athènes. En somme, une sorte de « gauleiter ». Son statut aurait été comparable à celui des hauts commissaires des Nations unies au Kosovo et en Bosnie. Il s'agissait clairement d'une atteinte à la souveraineté nationale. Les autres membres de l'UE, France en tête, ne s'y sont pas trompés et ont refusé cette proposition aberrante qui rappelait de bien mauvais souvenirs... L'exaspération, la désillusion et la désorganisation sont totales. Lors de la grève générale des 19 et 20 octobre 2011, pour la première fois, les militants communistes et anarchistes se sont affrontés violemment sous …