HONGRIE : LA « REVOLUTION PAR LES URNES »

n° 135 - Printemps 2012

Lors des élections législatives des 11 et 25 avril 2010, l'Alliance des jeunes démocrates-Union civique hongroise (Fidesz) et ses alliés du Parti chrétien-démocrate (KDNP) remportaient une victoire écrasante sur la coalition de centre gauche sortante, composée du Parti socialiste (MszP) et de l'Alliance des démocrates libres (SzDsz). Avec 52,7 % des suffrages, la coalition de droite dirigée par Viktor Orban, par le jeu du scrutin mixte majoritaire et proportionnel, obtient 263 des 386 sièges du Parlement monocaméral hongrois. Le MszP est laminé avec un peu moins de 20 % des voix (59 sièges) et l'extrême droite du Jobbik (Parti pour une meilleure Hongrie) fait une entrée fracassante à la Chambre avec un score de près de 17 % (47 sièges). Le SzDsz n'atteint pas le seuil des 5 % permettant d'avoir des députés, tandis qu'une nouvelle formation « La politique autrement » (LMP), de tendance libertaire et écologiste, recueille 7,5 % des voix (16 sièges). Tout au long de la campagne électorale, le leader du Fidesz l'avait martelé : sa victoire - largement annoncée par les sondages et le résultat des élections régionales et européennes de 2009 - ne serait pas une simple alternance, mais une « révolution par les urnes ». Depuis la fin du régime communiste, en 1990, la Hongrie avait, en effet, pratiqué l'alternance démocratique à l'occasion de chaque élection législative - à l'exception de celles de 2006, où la coalition sortante de centre gauche dirigée par Ferenc Gyurcsany l'avait emporté de justesse face au Fidesz et à ses alliés. Viktor Orban avait lui-même bénéficié de cet effet de balancier en dirigeant, de 1998 à 2002, un gouvernement de droite composé du Fidesz et du Forum démocratique hongrois (MDF), aujourd'hui disparu. Une telle ambition « révolutionnaire » nécessitait l'obtention d'une majorité des deux tiers au Parlement permettant au gouvernement de modifier à sa guise les lois organiques et de doter le pays d'une nouvelle Constitution. Cet objectif fut largement atteint. Viktor Orban avait dès lors les mains libres, au moins sur le plan intérieur. Ayant tiré les leçons de sa première expérience gouvernementale, le nouveau premier ministre a mis toute son énergie à remodeler les institutions de son pays de telle manière que la versatilité de l'électorat soit mise en échec. Rendre très difficile, sinon impossible une nouvelle alternance : tel était l'objectif de la frénésie législative et réglementaire du deuxième gouvernement Orban, entré en fonctions le 29 mai 2010. Ces mesures concernent principalement la composition et les pouvoirs des instances de contrôle du gouvernement, de l'économie et des médias (Cour constitutionnelle, Conseil supérieur de la magistrature, Autorité de contrôle des médias, Conseil de surveillance des finances publiques, etc.). À cela s'ajoutent des modifications des lois électorales pour les scrutins nationaux et locaux visant à écarter les petites formations du Parlement. Avant d'entrer dans le détail de toutes ces mesures, et des réactions qu'elles ont suscitées en Hongrie et dans le monde, il n'est pas inutile de rappeler les faits marquants des trois dernières décennies, et de …