Élu président de la Géorgie en 2004, Mikheil Saakachvili est l'homme de la « révolution des roses ». Une révolution pacifique qu'il a suscitée et conduite avec le succès que l'on sait. Réélu en 2008, ce dirigeant courageux a ensuite entraîné son pays sur la voie des réformes et tenté de l'arrimer définitivement au camp occidental en le rapprochant de l'Otan et de l'UE. Mais il est aussi la « bête noire » de Vladimir Poutine. Celui-ci, en effet, n'a jamais accepté que la Géorgie prenne ses distances par rapport à l'ancien espace soviétique... Alors que les forces russes, depuis la guerre de 2008, occupent toujours une partie du territoire - les deux régions sécessionnistes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie -, le jeune président géorgien (45 ans) affronte à l'automne des élections législatives difficiles. Ne serait-ce que parce que l'oligarque Bidzina Ivanichvili, très proche du Kremlin, le défie ouvertement sur la scène politique. Mikheil Saakachvili est convaincu, en effet, et probablement à juste titre, que Vladimir Poutine est prêt à tout pour faire revenir la petite république caucasienne dans le giron russe. Y compris à créer les conditions favorables à une nouvelle intervention militaire... Réponse dans les mois qui viennent. I. L.
Isabelle Lasserre - Monsieur le Président, Nicolas Sarkozy a joué un rôle majeur dans l'obtention du cessez-le-feu qui a suivi la guerre contre la Russie en août 2008. Qu'attendez-vous de François Hollande ? Mikheil Saakachvili - Beaucoup. En France, sur les questions internationales, c'est le principe de la continuité de l'État qui prévaut. François Hollande s'est montré très clair, tout au long de sa campagne et depuis son élection, sur la nécessité de veiller au respect des droits de l'homme et du droit international. Quant au parti socialiste, son discours sur la région n'a pas varié : il a rappelé à de nombreuses reprises que l'accord Sarkozy-Medvedev (1), qui a mis fin à la guerre, n'avait pas été respecté par les Russes et qu'il s'agissait donc de faire pression pour qu'il le soit. De manière plus générale, je note qu'avec la crise économique les opinions des pays européens cèdent parfois à la tentation populiste et que François Hollande, lui, a su éviter cet écueil. Il a toujours maintenu son engagement européen. Personnellement, je considère que tout ce qui renforce l'Europe renforce la Géorgie. D'autant que la France joue un rôle essentiel dans le processus d'intégration européenne de mon pays. Dernier point : le nouveau président français a porté haut les valeurs de la république et leur universalité. C'est important pour nous car le principal danger, pour les petites nations comme la nôtre, survient lorsque la Realpolitik, conçue de manière restreinte et erronée, prétend reléguer les principes à l'arrière-plan. Je suis donc plutôt optimiste. I. L. - En arrivant au pouvoir, Barack Obama a promis un redémarrage des relations avec la Russie (2). Le « reset » a visiblement échoué. Le président américain doit-il changer de politique ? M. S. - Barack Obama n'a pas besoin de changer de politique ; il suffit de changer la perception du « reset ». Pour qu'un « reset » soit considéré comme réussi, il faut que les deux parties soient sur la même longueur d'onde quant à sa nature et à ses objectifs. Or cela n'a pas été le cas entre la Russie et les États-Unis, qui avaient dès le départ des conceptions très différentes de la reprise de leurs relations. Les Russes ont vu dans la proposition d'Obama une occasion unique de réaliser un grand marchandage avec Washington. Ils espéraient échanger un soutien relatif sur l'Afghanistan et une modération de leur aide aux régimes iranien et syrien contre des concessions américaines sur le bouclier antimissile en Europe (3) et sur différents dossiers, dont la Géorgie. Le Kremlin pensait que le temps des « deals » était arrivé et que, en incitant les États-Unis à ce type d'échanges, la place de la Russie sur la scène internationale se renforcerait ; qu'elle serait, en tout cas, autorisée à faire le ménage dans ce qu'elle considère comme sa « sphère d'influence ». Les Américains ne l'entendaient pas ainsi. Ils voulaient renouer le dialogue avec les Russes - ce qui est positif en soi -, mais pas …
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