Même si un certain nombre de leurs personnels civils demeurent sur le terrain, les États-Unis ont quitté militairement l'Irak le 18 décembre 2011, après presque neuf ans d'une occupation qui avait débuté au mois de mars 2003. Quelques jours avant le retrait final de ses troupes, le président Barack Obama déclarait sur la base de Fort Bragg en Caroline du Nord que l'intervention américaine avait été une « réussite spectaculaire ». L'opération, affirmait-il, avait permis aux Irakiens de s'affranchir de la dictature et de se doter, enfin, d'un « État souverain, stable, autosuffisant, avec un gouvernement représentatif élu par son peuple » (1). Observée depuis le terrain, la nouvelle « démocratie » irakienne semble toutefois bien moins brillante. Si le départ des derniers soldats américains s'est déroulé dans un calme relatif, celui-ci ne saurait masquer l'étendue des défis auxquels le pays reste confronté : l'Irak a, en effet, immédiatement sombré dans une nouvelle crise politique, sur fond de reprise des attentats quotidiens portant la signature d'Al-Qaïda ; et la reconstruction économique tarde à se faire jour. On peut donc légitimement s'interroger sur le legs véritable de l'occupation étrangère. Les Américains ont-ils, comme ils le prétendent, apporté la démocratie ou, au contraire, semé les germes d'un désastre politique et social appelé à perdurer ? Quelles sont les dynamiques internes au pays, quel est le rôle des puissances régionales ? Les influences de l'Iran, de l'Arabie saoudite ou encore de la Turquie vont-elles dans le sens d'une stabilisation de l'Irak ou de son maintien dans l'ère de la violence ? Le « printemps arabe » de 2011 bouleversera-t-il les équilibres issus de l'occupation ? Une démocratie inachevée Lorsqu'il s'agit d'évoquer l'Irak, l'approche la plus courante consiste à porter un regard « moral » sur le dernier conflit. Mais s'agit-il de la meilleure façon d'en saisir objectivement les différentes logiques et l'infinie complexité ? Rien n'est moins sûr. Il est vrai que l'occupation, dès le printemps 2003, s'est caractérisée par une extrême violence et de nombreux atermoiements. Le bilan humain de la guerre est particulièrement édifiant. Au premier semestre 2012, le projet de recensement indépendant Iraq Body Count estimait à plus de 100 000 le nombre de civils irakiens morts à cause du conflit (bombardements aériens, opérations militaires, attentats, violences, manque de soins...) et à près de 5 000 les pertes dans les rangs de l'armée américaine. Pourquoi un système démocratique, fonctionnel et accepté de tous n'est-il pas parvenu à s'enraciner dans le pays ? L'explication tient, pour une large part, aux erreurs « fondatrices » que la coalition américaine a commises dès son installation à Bagdad. La plus sérieuse fut certainement la mise en place, à l'été 2003, d'un nouvel ordre politique entièrement fondé sur un partage ethno-confessionnel du pouvoir entre Arabes, Kurdes, chiites, sunnites et chrétiens. Très éloigné des réalités sociales irakiennes - qu'on ne saurait réduire à ce type de particularismes -, ce partage a immédiatement alimenté tensions et blocages politiques. Sur les vingt-cinq membres du premier « Conseil de …
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