Les Grands de ce monde s'expriment dans

LA FRANCE FACE AUX « BARBARES »

François Zimeray a été nommé ambassadeur pour les droits de l'homme en février 2008, sur proposition de Bernard Kouchner, alors ministre des Affaires étrangères et européennes. Avocat pendant vingt ans au sein du cabinet d'affaires Jeantet&Associés, où il a travaillé avec Hubert Védrine, il fut aussi le plus jeune député du groupe socialiste au Parlement européen. Proche de Laurent Fabius, il a été élu en 1989 maire du Petit-Quevilly - fief du parti communiste depuis 1945 -, devenant ainsi, à 27 ans, le plus jeune maire de France d'une commune de plus de 20 000 habitants. En tant qu'ambassadeur, il a été chargé de diriger la préparation de la célébration, en France et dans le monde, du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. La fonction d'ambassadeur pour les droits de l'homme a été créée en 2000 afin que la France « dont le message et la pratique dans le domaine des droits de l'homme sont tout particulièrement observés, attendus et écoutés », puisse être dotée d'une capacité supplémentaire d'initiative et d'expression. En mai 2009, François Zimeray a créé l'Alliance des avocats pour les droits de l'homme - association qui fournit des consultations juridiques gratuites aux ONG, aux associations et aux institutions impliquées dans ce combat. J.-P. P. Jean-Pierre Perrin - 14 juillet 2008 : Bachar al-Assad, invité d'honneur du président de la République française, assiste au défilé militaire à la tribune officielle. En tant qu'ambassadeur des droits de l'homme, comment réagissez-vous ? François Zimeray - Comment répondre à cette question en faisant abstraction de ce que l'on sait aujourd'hui de ce régime ? J'ai encore en tête les récits effroyables, recueillis ces derniers mois à la frontière, des victimes du « gang des barbares » au pouvoir à Damas. Ce que j'ai pu ressentir à l'époque, je l'ai aussitôt refoulé. L'indignation est une impasse. Bien sûr que sa présence m'avait surpris ; cela dit, il faut comprendre qu'à ce moment-là non seulement les crimes que nous dénonçons aujourd'hui n'avaient pas été commis mais, surtout, nous avions des raisons d'espérer que Bachar amorcerait une rupture avec son prédécesseur. Il n'était donc pas insensé de tenter une nouvelle approche. Nous nous sommes hélas trompés, mais personne ne pouvait alors prévoir l'enchaînement tragique qui a suivi, en Syrie, l'explosion des printemps arabes. En toute hypothèse, il faut rappeler que la défense des droits de l'homme, dans l'action extérieure de la France, se heurte à deux contraintes : la première, c'est que nos interlocuteurs sont des pays souverains ; la seconde, c'est que nous agissons le plus souvent avec d'autres partenaires, en particulier européens. J.-P. P. - Comment faire évoluer les positions d'un État souverain ? F. Z. - Je ne connais que deux manières d'y parvenir : la force ou la conviction. À la mi-2008, il ne pouvait être question ni de l'une ni de l'autre, et surtout pas de la force. Personne ne propose sérieusement que la France parte en guerre contre tous les États où les droits de l'homme ne sont pas garantis ! Plus tard, nous avons été les premiers à plaider pour des sanctions, qui sont finalement entrées en vigueur au niveau européen. Reste la conviction : tenter d'encourager une hypothétique ouverture du régime, susciter un désir « d'en être », d'intégrer la société globale qui se dessine, bref tendre la main. C'est ce que nous avons tenté en 2008 et qui n'a malheureusement pas marché. Il ne faut pas regretter d'avoir exploré cette voie dès lors que cela ne nous a pas empêchés d'être en pointe contre ce régime quand il s'est montré sous un autre visage, et que Bachar a transformé son pays en un immense Guernica. La France a pris la tête d'une action collective pour faire cesser les exactions et traduire Bachar devant la justice internationale. Je me suis rendu, il y a peu, à la frontière syrienne pour collecter des preuves afin de nourrir le dossier d'accusation. Je ne m'attendais pas à autant de cruauté dans la violence. La violence, j'ai l'habitude d'en voir les effets, mais pas à ce niveau inouï. Je me battrai jusqu'à ce que le président syrien soit traduit devant une juridiction. Nous prendrons prochainement des initiatives en ce sens. J.-P. P. - Vous dites : on …