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MEXIQUE : L'URGENCE DES REFORMES

Au moment où nous mettons sous presse, le vainqueur de l'élection présidentielle du 1er juillet au Mexique n'est pas encore connu. Une seule chose est certaine : quelle que soit l'issue de cette consultation électorale, l'entretien qu'a accordé à Politique Internationale Enrique Peña Nieto, le candidat du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, centre), éclairera nos lecteurs sur la vie politique mexicaine et les mesures qu'il souhaite adopter pour remettre le pays sur les rails. Un document à décrypter à la loupe... Enrique Peña Nieto a été le grand favori des sondages depuis le début de la campagne électorale. Tout au long du premier semestre 2012, l'ancien gouverneur de l'État de Mexico (2005-2011) a devancé ses deux principaux adversaires : Andres Manuel Lopez Obrador, du Parti de la révolution démocratique (PRD, gauche) ; et Josefina Vazquez Mota, du Parti action nationale (PAN, droite) du président sortant, Felipe Calderon. À 45 ans, avec son physique de jeune premier, le très médiatique champion du PRI - formation qui a dirigé le Mexique sans partage de 1929 à 2000 - assure incarner une nouvelle génération, respectueuse du jeu démocratique. Une version que contestent ses détracteurs qui l'accusent de défendre les intérêts de la veille garde de son parti. Né à Atlacomulco, une municipalité de l'État de Mexico, dans une famille d'hommes politiques du PRI, le plus jeune candidat à la présidentielle de cette année a connu une ascension vertigineuse. Cet avocat dynamique et souriant, diplômé de la prestigieuse université Panamericana, est entré au PRI dès l'âge de 18 ans. En 1999, son oncle, Arturo Montiel, candidat au poste de gouverneur de l'État de Mexico, le nomme trésorier de sa campagne. Une fois élu, son mentor politique lui fait gravir les échelons de son administration et du PRI où il occupe, très vite, un poste de conseiller politique. Député en 2003, Enrique Peña Nieto quitte cette fonction un an plus tard pour se lancer à son tour dans la conquête du pouvoir. Il est élu haut la main à la tête de l'État de Mexico en 2005. La gestion de l'État le plus peuplé du pays (15 millions d'habitants) lui confère rapidement une notoriété nationale - notoriété qu'amplifie la couverture médiatique du couple glamour qu'il forme avec sa seconde épouse, l'actrice Angelica Rivera. Sa popularité a largement dépassé celle de l'autre aspirant de poids à la candidature du PRI, l'ancien président du Sénat Manlio Fabio Beltrones, qui a fini par se désister. Seul porte-drapeau du PRI, Enrique Peña Nieto est devenu également le candidat du Parti vert (écologiste) qui s'est allié au PRI à l'occasion de la présidentielle. Ce perfectionniste, pragmatique et conciliateur, met volontiers en avant sa foi et son sens de la famille dans un pays où 80 % des habitants sont catholiques. Il n'hésite pas, non plus, à exprimer son machisme : « Je ne suis pas la femme de la maison », a-t-il déclaré durant la campagne au quotidien espagnol El País pour justifier le fait qu'il ne connaissait pas le prix du kilo de tortilla (la galette de maïs qui se trouve à la base de l'alimentation mexicaine). Ses adversaires voient dans ces relents de misogynie l'une des nombreuses défaillances d'un homme incapable de sortir du scénario « marketing » qu'ont défini ses conseillers avec le soutien des deux grands groupes télévisuels Televisa et TV Azteca. Mi-mai, un mouvement étudiant a vu le jour via les réseaux sociaux pour réclamer la « démocratisation des médias », accusés de favoriser la candidature de M. Peña Nieto en échange d'importants contrats publicitaires que le candidat du PRI leur aurait accordés depuis l'époque où il exerçait son mandat de gouverneur de l'État de Mexico. Les manifestations, qui dénonçaient une « couverture partiale de la campagne électorale », ont semé le doute sur l'issue d'un scrutin que les sondages annonçaient « joué d'avance ». Enrique Peña Nieto semble faire fi des critiques. Selon lui, sa popularité ne s'explique pas par une quelconque manipulation médiatique, mais bien par l'efficacité dont il a fait preuve à la tête de l'État de Mexico. Au-delà de sa notoriété, le candidat du PRI profite de la déception qu'ont suscitée les onze années du PAN au pouvoir. Les présidences libérales de Vicente Fox (2000-2006) et de Felipe Calderon (2006-2012) n'ont pas réussi à réduire la violence du crime organisé. Malgré le déploiement de militaires sur le territoire depuis décembre 2006, la guerre que se livrent les cartels de la drogue - tout en bataillant contre le gouvernement - a fait plus de 50 000 morts. Pour redresser la barre, Enrique Peña Nieto propose une batterie de réformes qui visent à restaurer la sécurité publique et à redorer le blason international de son pays. P. I. Politique Internationale - Voilà plusieurs mois que les sondages vous donnent gagnant de la présidentielle. Comment expliquez-vous cette popularité ? Enrique Peña Nieto - L'explication est double. Il y a, d'une part, un rejet massif à l'égard du PAN. Ce parti a exercé la présidence pendant douze années consécutives. Tout au long de ces douze années, la croissance économique a été insuffisante ; le chômage a doublé ; et la pauvreté a nettement augmenté : il y a 15 millions de Mexicains pauvres supplémentaires depuis 2006, année où Felipe Calderon, du PAN, a succédé à Vicente Fox, du PAN... Sans oublier, bien sûr, que le niveau d'insécurité est très élevé. Entre 2007 et 2010, le nombre d'homicides a triplé. Jamais la violence n'a été aussi élevée depuis quarante-cinq ans ! Bref, le Mexique est en grande difficulté. Dans un tel contexte, il est naturel que les Mexicains exigent le changement. Or, précisément, j'incarne le changement. Mais je ne viens pas de nulle part : j'ai déjà démontré que je savais gouverner. Ma gestion à la tête de l'État de Mexico, que j'ai dirigé de 2005 à 2011, a été largement approuvée par mes administrés. La preuve : à la fin de mon mandat de six ans, ils ont réélu mon parti avec 62 % des voix ! Pour répondre à votre question d'une phrase, je dirai donc que ma popularité est due à la fois au discrédit qui frappe le pouvoir actuel et à la confiance que me font les citoyens au vu de mes états de service. P. I. - Votre parti, le PRI, a dirigé le Mexique 71 ans durant, de 1929 à 2000. Pourquoi les Mexicains, qui ne connaissent l'alternance politique que depuis douze ans, rendraient-ils les rênes du pays à cette formation ? E. P. N. - Au cours des dernières décennies, le Mexique est devenu une vraie démocratie électorale : nos processus électoraux sont, désormais, réellement démocratiques. C'est une avancée inégalable dont je me félicite très sincèrement. Hélas, les espoirs suscités par l'alternance, qui a été incapable de transformer le pays, ont généré une désillusion chronique chez les Mexicains. De notre côté, au PRI, nous sommes fiers des succès que notre parti a connus au XXe siècle. Mais cette fierté ne nous empêche pas d'être conscients des erreurs que notre formation a commises. Nous en avons tiré les enseignements. Après la défaite de 2000, le PRI a su se rénover et se convertir en un parti politique compétitif qui sait gagner les élections et gouverner - je le répète - de façon absolument démocratique. Aujourd'hui, nous sommes un parti d'opposition responsable qui présente un projet alternatif à la nation. Notre mue a, d'évidence, séduit bon nombre de nos concitoyens. P. I. - Concrètement, qu'est-ce qui caractérise ce « nouveau PRI » ? E. P. N. - Par rapport au PRI du siècle dernier, le parti se distingue par une nouvelle manière de faire de la politique. J'ai la chance de faire partie de cette génération …