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UNION EUROPEENNE : LES DEFIS DE LA PRESIDENCE CHYPRIOTE

À compter du 1er juillet - et pour la première fois depuis son adhésion le 1er mai 2004 - la République de Chypre préside pour un semestre l'Union européenne, au moment où celle-ci traverse une crise économique et financière sans précédent. Ce pays, contributeur net de l'UE, a connu trente ans de prospérité économique malgré l'occupation d'un tiers de son territoire par l'armée turque. Mais il a fini par être rattrapé par la récession en 2009. L'année 2010 lui a accordé un répit relatif (+1 %), suivi d'un nouveau recul en 2011 (- 0,7 %). Le premier semestre 2012 s'est révélé difficile sur le plan financier. Les banques, largement exposées au risque bancaire grec, ont été contraintes d'inscrire dans leurs comptes une perte supérieure à 3 milliards d'euros, soit l'équivalent de 15 % du PNB national (1). Chypre, toutefois, ne manque pas d'atouts. Ainsi, la découverte d'importantes réserves de gaz naturel, en 2011, au large des côtes chypriotes - dont la valeur est estimée à au moins 100 milliards d'euros - explique l'optimisme affiché par le gouvernement de Nicosie dans son effort d'assainissement des finances publiques. Mme Erato Kozakou-Marcoullis, ministre des Affaires étrangères de Chypre, expose les projets que son pays s'efforcera de mettre en oeuvre durant sa présidence de l'Union européenne. J. C. Jean Catsiapis - La République de Chypre assume la présidence tournante de l'UE depuis le 1er juillet 2012. Comment votre pays s'est-il préparé à cette échéance ? Quels sont les projets précis qu'il compte mettre en oeuvre ? Erato Kozakou-Marcoullis - Cette présidence, qui revêt une importance particulière pour un petit pays comme le nôtre (2), sera consacrée à plusieurs dossiers majeurs : le nouveau Cadre financier pluriannuel (3) sur lequel ont planché les trois présidences précédentes et que Chypre a l'intention de conclure avant la fin 2012 ; le resserrement des liens avec les partenaires méditerranéens et les pays du Golfe, en liaison avec la Haute Représentante Madame Ashton, qui est en charge des relations internationales de l'UE ; les perspectives européennes des États des Balkans occidentaux et la marche à l'adhésion de l'Islande ; sans oublier l'achèvement du Système d'asile européen commun (4). Bien entendu, l'île de Chypre, qui dispose de la 7e flotte marchande au monde, fera de la politique maritime intégrée l'une de ses toutes premières priorités. Une réunion informelle des ministres sera consacrée à cette question en octobre prochain. J. C. - La crise grecque, dont l'économie chypriote et les banques de la République de Chypre ont déjà subi les conséquences douloureuses, continue de faire rage. Comment votre gouvernement pourra-t-il contribuer à imposer les décisions de l'Eurogroupe (5) - auquel appartient votre pays - à la Grèce... alors que celle-ci est la puissance garante de l'indépendance de Chypre depuis 1960 ? E. K.-M. - Il n'est pas question d'imposer des décisions à qui que ce soit, pas plus à la Grèce qu'à n'importe quel autre pays qui se trouverait confronté aux mêmes difficultés. Les décisions sont et doivent être prises sur la base de la solidarité. Mais, au-delà des mesures visant à renforcer la gouvernance économique et l'assainissement financier, les citoyens européens veulent aussi que l'Europe adopte une politique en faveur du développement et de l'emploi. En tout cas, ce qui est clair, c'est que la sortie de l'euro n'est une solution pour personne. J. C. - La Turquie - qui refuse de reconnaître diplomatiquement la République de Chypre (6) - a déclaré qu'elle gèlerait ses relations avec l'UE à compter du 1er juillet si, avant cette date, la question chypriote n'a pas été réglée. Votre présidence de l'UE ne sera-t-elle pas handicapée par cette mise en garde d'Ankara ? E. K.-M. - Les déclarations des dirigeants turcs sur la présidence chypriote sont offensantes non seulement pour Chypre, mais aussi pour l'ensemble de l'Union européenne. La présidence du Conseil de l'UE est une obligation et un droit qui découle de la qualité d'État membre. Nous attendons à tout le moins de la Turquie, en tant que candidate à l'adhésion à l'UE, qu'elle respecte le rôle institutionnel de cette présidence. C'est également le voeu exprimé par le Conseil européen de décembre 2011, qui a fait part du vif mécontentement et de l'inquiétude de l'UE face à la position turque. Dimitri Christofias, notre président, l'a dit et …