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Forces spéciales : l'excellence française

Le général Christophe Gomart dirige le Commandement des opérations spéciales (COS) depuis 2011. Cet homme de l'ombre dont la plupart des missions doivent rester secrètes, qui fut chef de corps du 13e RDP (le Régiment de dragons parachutistes, spécialisé dans l'extraction du renseignement), se confie rarement aux médias. À l'occasion du vingtième anniversaire de la naissance du COS, il a cependant accepté d'ouvrir les portes de son commandement de Villacoublay à Politique Internationale. Créé en juin 1992, à la suite des enseignements tirés de l'engagement français dans la première guerre du Golfe, le COS dispose aujourd'hui de 3 000 hommes pour réaliser ses trois missions principales : obtenir des renseignements, mener des actions directes à l'étranger et former les forces spéciales d'autres pays. En vingt ans d'existence, les forces spéciales françaises ont fréquenté la plupart des théâtres d'opérations : du Rwanda à la Côte d'Ivoire en passant par l'Afghanistan et la Libye, pas une année ne s'est écoulée sans qu'elles aient été chargées par les autorités politiques de mener des opérations à forte valeur stratégique. Réputées pour un rapport coût/efficacité quasiment idéal, les forces spéciales sont de plus en plus prisées. Efficaces, peu onéreuses et discrètes, elles forment désormais le coeur des interventions militaires internationales. À l'heure où la France ne veut plus apparaître en première ligne sur les théâtres extérieurs et se prépare à imposer de nouvelles coupes dans les budgets de la défense, on ne s'étonnera pas que certains responsables politiques soient tentés de diminuer nos gros bataillons pour davantage miser sur ces unités d'élite. Mais ce serait un leurre - prévient le général Christophe Gomart - de penser que les forces spéciales, qui puisent, pour exister, dans le vivier des trois armes, pourraient progressivement se substituer à elles. Par surcroît, avertit le patron du COS, la cohérence générale de nos armées s'en trouverait affectée...

I. L.

Isabelle Lasserre - Après avoir fêté son vingtième anniversaire en 2012, le Commandement des opérations spéciales, que vous dirigez, a entamé l'année 2013 sur le terrain, au Mali. L'opération aurait-elle pu se faire sans le COS ? Quelle valeur ajoutée avez-vous apportée ?

Christophe Gomart - Les forces spéciales ont toute leur place dans cette opération. Elles y démontrent quotidiennement leurs qualités. Le COS a apporté son savoir-faire en matière de réactivité, de discrétion et de « fulgurance » d'action. Il fallait, en effet, agir très vite ! Nous devions surprendre l'adversaire pour obtenir immédiatement la supériorité sur lui et l'arrêter net. L'organisation du COS permet d'agir dans les plus brefs délais grâce à une chaîne de commandement réactive. C'est la raison pour laquelle le chef d'état-major des armées a décidé d'y avoir recours. Grâce à tous ses moyens interarmées (avions, hélicoptères, commandos) - dont certains immédiatement mobilisables du fait de leur pré-positionnement dans la zone sahélienne -, le COS a été, depuis le 11 janvier dernier, de tous les combats visant à stopper la progression des groupes terroristes, puis à les repousser au-delà du fleuve Niger. Agissant en amont des bataillons français, les forces spéciales ont tour à tour ouvert les portes de Sévaré, Konna, Douentza, Mopti, Gao, Kidal et Tessalit afin de préparer l'arrivée de nos camarades français et africains. Nos détachements, extrêmement mobiles, polyvalents et particulièrement aguerris ont eu un effet démultiplicateur. Ils ont été remarquablement appuyés par l'aviation de combat - qui est, je vous le rappelle, un partenaire incontournable pour les forces spéciales. En effet, à sa capacité de frappe, notre aviation ajoute, elle aussi, cette réactivité dont je vous parlais il y a un instant. L'opération au Mali apporte une nouvelle fois la démonstration concrète de la pertinence et de l'efficacité du COS qui, vingt ans après sa création, demeure un véritable outil de liberté d'action dans la main du chef militaire et du décideur politique. Mais elle met également en lumière la qualité des hommes et des femmes servant dans les opérations spéciales, leur extrême rigueur et leur abnégation - car ce sont des « soldats de l'ombre ». Et je tiens à rendre ici hommage à la mémoire du chef de bataillon Damien Boiteux, décédé le 11 janvier après avoir été mortellement blessé aux commandes de son hélicoptère aux premières heures des combats.

I. L. - Quelles sont les leçons tirées des conflits précédents qui vous ont été utiles au Mali ?

C. G. - Chaque opération est source d'expérience et de progrès. Mais, pour être bref, je citerai surtout notre engagement en Afghanistan à partir de 2003. Il nous a permis de donner notre pleine dimension dans divers domaines. C'est là-bas que les forces spéciales issues des trois armées ont véritablement appris à travailler ensemble au sein d'un même détachement. L'opération ARES (1) fut, à ce titre, le creuset dans lequel le mélange entre culture « forces spéciales » et culture d'armée s'est réalisé. Nous fonctionnons toujours selon ce schéma. Un …