Les Grands de ce monde s'expriment dans

L'AUTRE OBAMA

On ne s'en est pas souvent rendu compte. Et pourtant, depuis l'arrivée au pouvoir de Barack Obama, la politique étrangère des États-Unis a connu un infléchissement profond. Dès la campagne électorale de 2008, le candidat-président avait une conception précise de ce qu'il entendait faire et était porteur d'une vision du monde aux contours bien définis. Sans doute ne disposait-il pas d'une connaissance détaillée de chaque dossier, mais il n'était pas l'« amateur » décrit ici ou là, et présenté comme tel dans un livre à succès (1). Les conseillers dont il s'est entouré à l'époque occupent aujourd'hui des fonctions élevées au sein de l'administration : Samantha Power, l'actuelle directrice des Affaires multilatérales au sein du Conseil national de sécurité ; Susan Rice, ambassadrice des États-Unis aux Nations unies ; John Brennan, ancien « conseiller spécial pour les affaires de terrorisme », récemment nommé directeur de la CIA ; Valerie Jarrett, « conseiller spécial du président » (2). Mais depuis toujours - et tous ceux qui ont été les témoins directs de la vie quotidienne à la Maison-Blanche en attestent -, c'est lui qui décide et qui fixe le cap. Pour tenter de définir ce cap, il importe de se pencher sur les idées qui imprègnent l'homme. Là encore, elles ne sont pas ce que l'on croit. Ces idées s'inscrivent très tôt dans une trajectoire personnelle. Pendant ses études à l'Occidental College (1979-1981), puis à l'Université Columbia (1981-1983), Barack Obama lit Frantz Fanon et divers auteurs révolutionnaires (3), au premier rang desquels Saul Alinsky - l'auteur, en 1971, d'un livre qui demeure à ce jour le classique de référence de l'extrême gauche américaine : Rules for Radicals (4). C'est à travers cet ouvrage qu'Obama a découvert la profession à laquelle il a consacré l'essentiel de sa vie jusqu'au moment où il s'est pleinement engagé en politique : celle d'« organisateur de communauté ». Selon Alinsky, l'« organisateur de communauté » doit « mener la guerre sociale » et, pour cela, « pénétrer les institutions », « gagner de l'influence », « parvenir au niveau où se prennent les décisions » (5), en se fixant un seul objectif : faire passer « la société et le monde de la jungle du capitalisme à ce qui est digne du nom de civilisation ». Dans un texte rédigé en 1990, Obama précise que « l'objectif ne peut être atteint » que si l'on se donne « les moyens d'élaborer des stratégies de prise du pouvoir » (6). Barack Obama a aussi passé vingt ans auprès d'un pasteur adepte de la « théologie noire de la libération » (7), Jeremiah Wright, le fondateur de la Trinity United Church of Christ. Dans ses textes, Jeremiah Wright ne cesse de décrire les États-Unis comme « le pays de la rapacité » ; le monde pauvre comme victime de l'« injustice américaine » ; l'impérialisme américain comme responsable de « toute la misère sur la planète » ; l'islam comme la « religion des opprimés » du monde …