Les Grands de ce monde s'expriment dans

NOBEL DE LA PAIX : UN PRIX SOUS INFLUENCE ?

Les sympathisants de la construction européenne n'osaient plus en rêver, tant son heure semblait bel et bien passée. Et pourtant, le 12 octobre 2012, le Comité Nobel norvégien - l'instance chargée d'attribuer le prix Nobel de la paix, les autres prix étant l'affaire de diverses institutions suédoises - a surpris tout le monde en sortant l'Union européenne de son chapeau. Ainsi, malgré les graves difficultés qu'elle rencontre en cette période de crise économique, l'UE était-elle jugée apte à recevoir la plus prestigieuse des récompenses du genre. Et cela, pour avoir « contribué, pendant plus de six décennies, à promouvoir la paix et la réconciliation, la démocratie et les droits de l'homme en Europe ». Le président du Comité Nobel norvégien, Thorbjørn Jagland, n'avait pas fini d'expliquer aux médias les raisons de ce choix que les réactions commençaient à tomber. Joie souvent mesurée, parfois introspective, du côté des institutions européennes et de ceux qui considéraient que le projet européen, malgré tout, méritait cette récompense. Stupéfaction et sarcasmes dans le camp des eurosceptiques et de ceux pour lesquels un tel satisfecit faisait injure aux cohortes de chômeurs et de ménages surendettés de Grèce, du Portugal, de Lettonie, d'Espagne et d'ailleurs. Ce prix a fait d'autant plus de bruit en Europe qu'il intervient dans une période critique pour le continent et que, par l'intermédiaire des médias sociaux, toute personne souhaitant exprimer son point de vue peut désormais se faire entendre. Mais ce n'est pas la première fois, loin de là, que le Nobel de la paix suscite la controverse. Une plongée dans son histoire plus que centenaire le montre : nombreuses sont les décisions émanant du Comité Nobel norvégien à ne pas avoir fait l'unanimité. Quelles sont les plus critiquées d'entre elles ? Sur la base de quels facteurs et de quels objectifs cette assemblée de cinq « sages » fait-elle ses choix ? Avec quelles conséquences ? Et comment la notoriété du prix est-elle utilisée pour la promotion de valeurs jugées « universelles » ? Polémiques en série Dès la première édition du prix, en 1901, le comité ad hoc créé à Oslo pour l'attribuer conformément au testament rédigé par Alfred Nobel, un industriel suédois, essuie une bordée de critiques. L'un des deux lauréats n'a pas l'heur de plaire à tout le monde. Le choix du Français Frédéric Passy, le doyen du mouvement pacifiste européen (1), paraît incontestable aux personnes qui, à cette époque, ont entendu parler du tout nouveau prix Nobel et suivent de près les affaires internationales. Mais le Suisse Henri Dunant ? Le premier secrétaire général du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qu'il a fondée en 1863, ne correspond pas stricto sensu au profil type du lauréat tel que dessiné par Alfred Nobel. Aller secourir les blessés sur les champs de bataille - l'obsession de Dunant depuis qu'il a arpenté celui de Solferino (1859) - ne concourt ni « au rapprochement des peuples » à proprement parler, ni « à la suppression ou à la réduction des armées …