Les Grands de ce monde s'expriment dans

Afrique du Sud : l'après-Mandela

Premier président noir d'Afrique du Sud, ex-pensionnaire du bagne de Robben Island (1) et icône de la lutte anti-apartheid, Nelson Mandela n'avait pas étrenné son unique mandat à la tête de la nation arc-en-ciel que l'on pariait déjà sur l'implosion du pays après lui. Il n'en fut rien, malgré des facteurs - d'ordre politique, social et économique - a priori favorables à pareil scénario : mainmise blanche sur les richesses ; taux de chômage record ; accroissement des inégalités et de la grande pauvreté ; explosion de la criminalité ; scepticisme suscité par les gestions Mbeki (président de 1999 à 2008) et Zuma (qui occupe cette fonction depuis 2009) ; et, in fine, grogne noire dans les ghettos et inquiétude dans les citadelles blanches. Une quinzaine d'années après sa sortie de la scène politique, la disparition annoncée de Mandela suscite à nouveau des interrogations. Et cela, alors même qu'il n'occupe plus l'espace public et n'influe quasiment plus sur la vie politique du pays. Ces peurs - réelles ou fantasmées - sont loin d'être partagées par une majorité de Sud-Africains, toutes communautés confondues. Pour autant, elles ne doivent pas être occultées dans un contexte qui se prête à une réévaluation de l'action de l'ancien prisonnier politique à la tête de l'Afrique du Sud.


L'impatience noire et la difficile réconciliation


Un président trop conciliant envers les Blancs ?
Qui mieux que Nelson Mandela lui-même pouvait parler de son bilan et de l'après-Mandela ? Malgré le concert de louanges qui accompagne toute évocation de son nom, l'homme ne s'est jamais cru indispensable. À un groupe de journalistes qui l'interrogeaient sur son action politique et sur les craintes que suscitait la perspective de sa disparition, il confiait en décembre 1998 : « Voyez le ministre de l'Eau, le professeur Kader Asmal ! À aucun moment de notre histoire, ce portefeuille n'a eu autant d'importance qu'aujourd'hui. Nous avons fourni de l'eau à 2,6 millions de personnes. Ce n'est pas Mandela qui l'a fait, c'est Kader Asmal. Prenez encore Trevor Manuel [le ministre des Finances]. Il a su gagner la confiance des économistes et des institutions financières de ce pays et du monde entier. Ce n'est pas Mandela qui a réussi cela, c'est Trevor Manuel. Voyez Alec Irwin au Commerce et à l'Industrie ! Où qu'il aille, il reçoit un accueil chaleureux en raison de son action » (2). À l'époque où il présidait encore le pays, Mandela manifestait le même enthousiasme envers la relève, même si l'Histoire ne lui a pas forcément donné raison étant donné le bilan mitigé de ses deux successeurs. « Voyez le vice-président Thabo Mbeki ! Nous avons là un homme extrêmement talentueux. C'est un réel atout pour nous. Il est aujourd'hui respecté, aussi bien ici qu'à l'étranger, et il joue un rôle très important sur ce continent et dans d'autres régions du monde. La question de l'après-Mandela ne se pose absolument pas... » (3). Anticipant les critiques, Mandela confessa qu'il n'avait pas été préparé au pouvoir : « Nous n'avons …