La Syrie joue un rôle à part dans le noeud des conflits du Moyen-Orient. Incarnation d'un nationalisme arabe résistant aux poussées des impérialismes extérieurs, cet État est vu comme l'éternel outsider, un empêcheur de tourner en rond qui freine la normalisation de la région. Jusqu'au déclenchement de la guerre civile qui la déchire aujourd'hui, la Syrie maintenait pourtant au Moyen-Orient une forme de stabilité paradoxale. Acteur incontournable de tous les dossiers régionaux - aucune solution au conflit israélo-palestinien, aux difficultés libanaises, à l'instabilité irakienne, à l'aventurisme iranien, n'était possible sans son aval -, elle bloquait en même temps toute tentative de règlement durable.
Au début des années 2000, le passage du système politique complexe bâti par Hafez el-Assad à la gestion moins rigoureuse de son fils Bachar, peu préparé à l'exercice du pouvoir, a ouvert une possibilité d'évolution. Forcée par les Occidentaux à retirer ses troupes du Liban en 2005, la Syrie a perdu de sa superbe. Bachar a alors cherché à se refaire une réputation. Un pays voisin a tenté de profiter de cette occasion historique : la Turquie, puissance montante du Moyen-Orient, s'est engagée dans un flirt sérieux avec le régime syrien et a posé, en quelques années, les bases d'une communauté d'intérêts avec Damas. Objectif d'Ankara : prendre le contrôle du verrou régional. Ankara a ainsi posé, en quelques années, les bases d'une communauté d'intérêts avec Damas.
Le rapprochement turco-syrien a duré six ans. Il s'est achevé en 2011 dans un climat de franche hostilité. Les « printemps arabes » ont brisé la complicité factice entre les deux pays : surprise, comme le reste du monde, par la force des révoltes qui secouent la région, la Turquie de Recep Tayyip Erdogan a dû choisir son camp, y compris en Syrie. Déterminée à jouer la carte de la solidarité sunnite, elle a pris très tôt parti contre Bachar el-Assad, allant jusqu'à soutenir ouvertement les insurgés et à prôner un changement de régime. Mais le pari était risqué : le conflit s'enlise et Ankara est sérieusement ébranlée par ses retombées. Le test syrien met en lumière les faiblesses de la diplomatie turque et fragilise Erdogan lui-même.
Les Turcs en première ligne
La parenthèse du rapprochement entre Ankara et Damas prend place sur une toile de fond historique heurtée : leurs rapports ont été notoirement mauvais au XXe siècle.
Des tensions historiques
Les deux pays ont longtemps entretenu une série de contentieux bilatéraux qui traduisaient, dans le contexte de la guerre froide, la rivalité régionale opposant la République turque à l'ancienne province arabe de l'Empire ottoman. Pilier de l'Otan, la Turquie était vouée à se confronter à une Syrie proche des Soviétiques. Des intérêts nationaux plus précis étaient en jeu : la controverse autour du rattachement du Sandjak d'Alexandrette (1), offert aux Turcs en 1938 par le colonisateur français, n'a jamais été réglée ; le partage des eaux de l'Euphrate, qui prend sa source en Turquie et irrigue une partie de la Syrie, pose également problème. Suivant la logique de …
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