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Liban : l'ombre portée du conflit syrien

Né le 3 décembre 1980, Samy Gemayel est l'un des plus jeunes leaders politiques libanais. Élu député en 2009, il incarne la relève du parti Kataëb (« phalanges » en arabe) fondé par son grand-père Pierre Gemayel en 1936, dont l'histoire, tout comme celle de sa famille, se confond avec celle du Liban.
Son père, Amine Gemayel, fut président de la République entre 1982 et 1988, en pleine guerre du Liban. Il succédait à son frère Bachir Gemayel, qui fut assassiné en septembre 1982 quelques jours avant d'être investi à la tête de l'État libanais.
Représentant de la troisième génération des Gemayel, Samy a une longueur d'avance sur son cousin Nadim, fils de Bachir, qui aspire, lui aussi, à jouer un rôle de premier plan au sein de la communauté chrétienne. Samy Gemayel est arrivé sur le devant de la scène après la mort de son frère aîné Pierre, en novembre 2006. Pierre Gemayel fut l'une des victimes de la vague d'attentats qui a frappé la coalition anti-syrienne du « 14 Mars » dans la foulée de l'assassinat de l'ancien premier ministre Rafic Hariri le 14 février 2005. Le « 14 Mars » tient son nom de la manifestation géante qui avait mobilisé les Libanais contre la tutelle de Damas et avait été suivie par le retrait des troupes syriennes présentes dans le pays depuis trente ans.
Les positions de Samy Gemayel sont globalement proches de celles du « 14 Mars » dirigé par Saad Hariri, le fils de Rafic Hariri, mais il joue néanmoins sa propre partition. L'un de ses credo porte sur la nécessité de réviser la Constitution libanaise dans une logique de décentralisation poussée, voire de fédéralisme.
Diplômé en droit de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth, après une formation scolaire en France entre 1988 et 1995 puis au Grand-Lycée français de Beyrouth, Samy Gemayel a commencé sa vie professionnelle en tant qu'avocat. Il a entamé en 2012 un doctorat à l'université Pierre-Mendès-France de Grenoble avec pour sujet de thèse: « Le pluralisme et la construction de l'État : le modèle libanais. » Tout un programme...
S. R.

Sibylle Rizk - Depuis que Russes et Américains ont proposé de démanteler l'arsenal chimique dont Bachar el-Assad a reconnu la possession, on parle de moins en moins de frappes contre le régime syrien. Cette évolution vous surprend-elle ?
Samy Gemayel - Non, j'ai toujours été persuadé qu'elles n'auraient pas lieu. Ne serait-ce que parce qu'Israël n'a pas intérêt à ce que Bachar el-Assad cède la place aux islamistes. Or, c'est probablement ce qui se produirait si des frappes visaient la présidence syrienne et éliminaient Assad. N'oubliez pas que le régime syrien a entretenu de bonnes relations avec l'État juif pendant quarante ans sans qu'une seule balle ne soit tirée de l'autre côté de la frontière : cette stabilité ne saurait laisser les Israéliens indifférents.
Pour ce qui concerne les armes chimiques - dont je condamne, bien évidemment, l'usage -, c'est aux Nations unies de déterminer quelle réponse il faut apporter à leur utilisation éventuelle. Qu'il s'agisse de la Syrie ou de n'importe quel autre régime.
Comme vous le sentez, mon souci essentiel est d'éviter que le feu prenne au Liban, car il serait très difficile de l'éteindre. Je prône la neutralité du Liban dans cette affaire.
S. R. - Certes, mais le Liban peut-il réellement sortir indemne de la guerre en Syrie ?
S. G. - Au train où vont les choses (1), nous nous acheminons probablement vers une confrontation. Quatre facteurs y contribuent. Le premier est la présence massive d'armes aussi bien du côté du Hezbollah (2) que chez les groupes sunnites radicaux. La décision européenne (3) d'armer l'opposition syrienne accentue le danger, car il est évident qu'une partie de cet arsenal finira par atterrir dans des mains libanaises. Le deuxième facteur est la présence d'une guerre à nos frontières, sachant que celles-ci sont ouvertes, sans aucun contrôle de l'État. Le troisième facteur est précisément la faiblesse des institutions étatiques qui ont perdu leur légitimité démocratique (4). Enfin, le quatrième facteur est la haine qui attise les divisions entre Libanais.
S. R. - On a pourtant coutume de dire que l'expérience amère de la guerre agit comme un ciment pour empêcher les Libanais de s'entre-tuer de nouveau...
S. G. - Jusqu'à maintenant c'est, en effet, la crainte du retour de la guerre qui nous empêche de replonger. Mais je ne suis pas sûr que ce mécanisme de protection puisse fonctionner indéfiniment. Quelle que soit la suite des événements, le Liban devra en tout cas passer par un processus de vérité et de réconciliation (5). Tôt ou tard, nous devrons nous asseoir à une même table pour reconstruire le pays. Je m'évertue à convaincre nos partenaires qu'il vaut mieux le faire le plus tôt possible, sans attendre que le sang coule de nouveau.
S. R. - L'affrontement entre sunnites et chiites (6) est-il inéluctable au Liban ?
S. G. - Le conflit syrien n'est pas comparable aux autres printemps arabes : il s'agit d'un conflit communautaire et confessionnel qui déborde de ses frontières. Il a pris une dimension régionale en …