La fin de l'année 2013 marque sans doute un tournant dans l'affaire Prism et son impact sur la vie politique aux États-Unis. Primo, parce que les révélations d'Edward Snowden sur les programmes de surveillance de la National Security Agency s'accumulent : il est clair, à présent, que l'interception et le stockage de données sont massifs et systématiques, et qu'ils concernent le monde entier. Secundo, parce qu'on a senti pour la première fois que l'administration Obama commençait à s'inquiéter des éventuelles conséquences de ces révélations pour la diplomatie américaine, en particulier lorsqu'elles semblent indiquer que des objectifs d'espionnage industriels se mêlent aux objectifs contre-terroristes. Tertio, parce qu'aux États-Unis mêmes les conditions d'un débat politique de fond sont désormais réunies. Un groupe d'experts nommés par la Maison-Blanche a rédigé un rapport dont certaines recommandations devraient être rendues publiques ; au Congrès, plusieurs projets de réforme de la NSA, qui reflètent bien la concurrence entre différentes sensibilités politiques, sont en cours de discussion ; au plan judiciaire, enfin, l'avis rendu par le juge Leon - selon lequel ces programmes de surveillance seraient inconstitutionnels - ouvrira une nouvelle phase du débat juridique qui pourrait bien se poursuivre jusqu'à la Cour suprême.
Vue d'Europe, cette évolution peut sembler étonnamment lente et complexe. Dès les premières révélations de Snowden au printemps dernier, les opinions publiques de ce côté-ci de l'Atlantique ont dénoncé les pratiques intrusives de l'agence de renseignement américaine dont on découvrait simultanément le nom, la taille et les pouvoirs tentaculaires. Aux États-Unis, dans le même temps, les réactions sont d'abord restées plutôt mesurées, comme si l'opinion n'apprenait rien de très nouveau, ou rien qui soit de nature à la scandaliser. L'affaire a, bien sûr, été couverte régulièrement dans la presse écrite et sur Internet, mais rarement en première page. Comment expliquer cette impression d'indifférence un peu blasée dans un pays que l'on a pourtant vu s'enflammer, par le passé, pour des questions de libertés publiques et actuellement gouverné par un président que certains aiment se représenter comme un héritier de Martin Luther King ? Et pourquoi alors le débat public semble-t-il gagner en vigueur quelques mois plus tard ?
La NSA n'en est pas à sa première incursion dans la vie politique américaine. Sans doute faut-il connaître un peu les épisodes précédents pour comprendre à la fois les termes du débat - qui peuvent nous paraître étonnamment juridiques - et ce qu'il indique de l'état des relations entre le citoyen et le pouvoir. Loin d'être un sujet pointu réservé aux spécialistes du droit constitutionnel, la question de la surveillance nous conduit au coeur du système démocratique américain et de ses évolutions récentes. Dans les années 1970, elle a donné lieu à un bras de fer entre le Congrès et une Maison-Blanche devenue très impopulaire ; au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, elle indiquait à quel point le pays, traumatisé, était prêt à remettre en cause ses principes fondateurs au nom de la sécurité nationale. Aujourd'hui, alors que les déclarations du patron de …
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