Ana Isabel de Palacio y del Valle Lersundi est devenue en 2002, à 54 ans, la première Espagnole ministre des Affaires étrangères, poste qu'elle a occupé durant deux ans dans le gouvernement de José Maria Aznar. Cette avocate de talent, polyglotte, membre de plusieurs think tanks et fondations de renom, engagée politiquement au centre droit, avait déjà montré auparavant tout son intérêt pour l'Europe, l'Afrique et le monde en siégeant plusieurs années au Parlement européen.
Par la suite, elle a été élue députée dans son pays, avant de devenir vice-présidente de la Banque mondiale puis conseillère juridique de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD). Elle est toujours membre du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (ICSID). Au niveau européen, elle est membre depuis janvier 2013 du Comité consultatif sur les Affaires étrangères et la sécurité installé auprès du président de l'UE Herman Van Rompuy. Elle conseille également le commissaire européen en charge de l'industrie, Antonio Tajani. En France, elle a travaillé en 2007 avec un groupe d'experts internationaux à la rédaction d'un rapport sur « la libération de la croissance française » sous la houlette de Jacques Attali. De 2008 à 2009, elle a occupé le poste de directrice internationale et marketing de la firme nucléaire Areva. Enfin, elle siège au Conseil de l'orientation et de réflexion de l'assurance (CORA) à Paris. À la faveur du retour au pouvoir de son parti, le Parti populaire, elle a été nommée en 2012 au Conseil d'État par le gouvernement de Mariano Rajoy.
Ana Palacio est la soeur de Loyola de Palacio, ancienne commissaire européenne (décédée en 2006).
B. B.
Baudouin Bollaert - Le Maroc est-il destiné à entrer un jour dans l'Union européenne ?
Ana Palacio - Poser cette question en pleine crise de la construction européenne, c'est presque une provocation ! Mais je trouve cette provocation saine. « Shake the boat ! », comme disent les Américains. Vous diriez en français qu'il faut secouer le cocotier... L'élargissement est bien la dernière question que se pose l'Union européenne en ce moment.
B. B. - Donc, le moment n'est pas venu...
A. P. - Vous m'avez comprise...
B. B. - Et si la Turquie finissait par adhérer à l'Union européenne, le Maroc devrait-il poser, à son tour, sa candidature ?
A. P. - La Turquie comme le Maroc sont des interlocuteurs extrêmement importants pour l'UE. Mais ce sont deux pays très différents. Je ne vois pas de corrélation entre leur situation respective face à l'Union européenne et je n'en cherche pas. Les actuelles négociations avec la Turquie, malgré quelques progrès, restent empoisonnées. Le Maroc, lui, joue ses atouts avec prudence. Car la vraie question est celle-ci : à quoi ressembleront les pays du pourtour méditerranéen dans cinquante ans ? Je suis incapable de vous le dire !
B. B. - Êtes-vous d'accord avec le roi du Maroc, Mohammed VI, quand il plaide pour un statut qui serait un peu plus que l'association avec l'UE et un peu moins que l'adhésion ?
A. P. - Le Maroc bénéficie déjà, depuis 2008, d'un « statut avancé » qui correspond au souhait du souverain. La Commission européenne a d'ailleurs annoncé en novembre dernier l'adoption de la deuxième partie de son programme d'action 2013 en faveur du royaume. Ce programme, d'un montant total de 176,9 millions d'euros, traduit l'engagement de l'UE vis-à-vis du Maroc. Mais moi, ce que je préfère, c'est la formule de Romano Prodi. L'ancien président de la Commission de Bruxelles disait : « On partage tout, sauf les institutions ! » Voilà qui reflète bien, à mon avis, l'esprit de la Politique européenne de voisinage (1)...
B. B. - À ce jour, la Politique européenne de voisinage (PEV) compte 16 partenaires. Elle avait pour objectif d'assurer la prospérité, la stabilité et la sécurité aux frontières de l'Europe. Dix ans plus tard, les résultats sont pour le moins mitigés...
A. P. - Certes, les temps ont changé depuis le lancement de la PEV en 2004. Les coffres de l'UE sont vides et il est devenu plus difficile de partager. Mais la politique de voisinage a réussi à rééquilibrer l'action de l'UE entre les pays de l'Est, d'un côté, et les pays du Sud, de l'autre. Un exemple : lors de sa création, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) ne s'adressait pas du tout aux pays du Bassin méditerranéen. Aujourd'hui, elle travaille avec certains d'entre eux, dont le Maroc. Il n'y a plus qu'une seule Politique européenne de voisinage. Cela me semble plus juste et plus cohérent.
B. B. - L'adhésion de la plupart des pays d'Europe centrale et …
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