Frédéric Encel - Depuis plusieurs années, le Maroc enregistre une croissance soutenue et régulière d'environ 5 %. Sur quels éléments cette croissance repose-t-elle ?
Lionel Zinsou - Dans votre question, l'adjectif le plus important est « régulière ». Jusqu'à une date récente, en effet, le Maroc a connu une croissance cyclique longtemps dominée par les rythmes climatiques et les performances de l'agriculture. Vous connaissez la fameuse phrase de Lyautey : « Au Maroc, gouverner, c'est pleuvoir »... Or, aujourd'hui, les fondamentaux de l'économie marocaine sont en train de changer. L'économie du Maroc est devenue l'économie d'un pays qui émerge. C'est une économie complète, dominée non plus par les caprices de la nature, mais par le talent des hommes et le rendement des capitaux. Il ne faut pas voir le Maroc comme un producteur de tomates et d'huile d'olive. C'est une économie tertiaire marquée par le développement des télécommunications et de la sphère financière (banques, assurances, marchés financiers, capital investissement), par la modernisation du commerce et la diversification des industries (biens de consommation courante, agroalimentaire, matériaux de construction...). Le Maroc est aussi l'un des pays du continent africain où les efforts en matière de logement, et notamment de logement social, sont les plus cohérents. Toutes les catégories de revenus se voient offrir des financements adaptés.
F. E. - Vous n'avez pas mentionné le high-tech. Est-ce à dire qu'il y a une lacune à ce niveau dans l'économie marocaine ?
L. Z. - Non, j'allais y venir. Le royaume s'est récemment doté d'industries à fort contenu technologique : l'automobile avec Renault, la construction aéronautique avec Safran et les moteurs d'avion avec le projet Bombardier. Ces entreprises utilisent des technologies qui sont prises dans des chaînes de valeur ajoutée mondiales : elles reçoivent des composants, les assemblent, les perfectionnent et les renvoient dans d'autres unités où ils seront finalisés. Une fraction de la valeur ajoutée technologique marocaine, dans des domaines d'excellence, est ainsi incorporée à des ensembles finis, manufacturés en Asie, au Canada ou en France. Ce processus montre que le Maroc est clairement entré dans la phase 2 de la mondialisation.
F. E. - Cela dit, les autres industries marocaines sont, elles aussi, insérées dans la mondialisation. En quoi le processus que vous décrivez est-il différent ?
L. Z. - Vous avez raison : les premières industries marocaines, comme l'industrie textile, étaient également fortement insérées dans les échanges internationaux. Face à la concurrence turque et chinoise, elles se sont réorganisées et ont su résister. Mais elles représentaient une phase de mondialisation un peu moins sophistiquée. Entre les textiles et Bombardier, il y a une différence de contenu en technologie. Ce tissu industriel varié dessine un panorama assez porteur. C'est un signe de modernité.
F. E. - Mais qui dit développement industriel dit infrastructures...
L. Z. - C'est le cas : le Maroc dispose d'un vaste réseau routier, d'infrastructures portuaires exceptionnelles et d'un système de télécommunications efficace. Sur le plan énergétique, outre l'ONEE (Office national de l'électricité et de l'eau potable), qui fait …
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