Les Grands de ce monde s'expriment dans

Les défis régionaux du Maroc

Frédéric Encel - Le Maroc a échappé aux soubresauts, parfois extrêmement violents, des printemps arabes. Comment l'expliquez-vous ?
Nizar Baraka - Si le Maroc a été épargné par les printemps arabes, c'est parce qu'il s'était engagé dans un processus de transition démocratique dès la fin des années 1990, soit bien avant les autres pays de la région. Le souverain a voulu réconcilier les Marocains avec leur passé récent pour leur permettre de bâtir un projet national porteur de cohésion sociale, d'équité et de justice. Cela s'est traduit par une série de réformes institutionnelles. J'en citerai deux : la mise en place de l'Instance équité et réconciliation (IER), chargée d'instruire les dossiers de violation des droits de l'homme commis depuis l'indépendance, en 1956, jusqu'à 2004 ; et la création de l'Institut royal de la culture amazighe (IRCAM) qui vise à une meilleure reconnaissance de l'identité amazighe (1).
L'une des réformes phares engagées au cours de cette période porte sur les droits de la femme et la modernisation de son statut à travers l'adoption d'un nouveau Code de la famille et la refonte du Code de la nationalité. Par ailleurs, des quotas ont été mis en place afin d'améliorer la représentativité des femmes en politique (10 % de sièges au Parlement et 12 % aux élections communales). Une politique de développement territorial équilibré est également sur les rails, avec le lancement de grands chantiers dans les domaines des infrastructures, de la logistique et de l'industrie. Sur le plan social, enfin, un programme d'envergure de lutte contre l'exclusion et la pauvreté a été initié par le souverain. Ce programme inclut un système d'assurance maladie obligatoire et un régime d'assistance médicale pour les populations vulnérables (le RAMED).
Ces avancées démocratiques ont servi de bouclier contre la vague de soulèvements dans la région. Et c'est sur ce socle que les autorités marocaines se sont appuyées pour entamer la seconde phase des réformes.
F. E. - En quoi consiste ce nouveau train de réformes ?
N. B. - Il s'agit de réorganiser le fonctionnement des institutions et de favoriser le renouveau politique. Le coup d'envoi en a été donné par le roi dans son discours du 9 mars 2011. La nouvelle Constitution, adoptée en juillet 2011, prône la séparation des pouvoirs, la bonne gouvernance, garantit les libertés individuelles et collectives ainsi que l'indépendance de la justice. Les élections législatives anticipées en novembre de la même année se sont déroulées dans des conditions parfaitement démocratiques et transparentes. Elles ont abouti à une nouvelle alternance politique (après l'alternance consensuelle de 1998), avec l'arrivée au pouvoir d'une coalition dirigée par le Parti de la Justice et du Développement.
F. E. - Dans les années 2000, votre pays a été frappé par plusieurs attentats meurtriers. Comment le Maroc fait-il face à la menace terroriste ?
N. B. - Permettez-moi juste de vous rappeler une chose : Sa Majesté le roi Mohammed VI, Commandeur des croyants, incarne la plus haute autorité religieuse du pays. Cette spécificité marocaine joue un rôle essentiel …