La guerre civile syrienne a réveillé le spectre de l'arme chimique. Beaucoup croyaient cette menace disparue avec la fin de la guerre froide et l'entrée en vigueur, en 1997, de la Convention internationale bannissant la fabrication, la possession et, bien sûr, l'utilisation de ces équipements. Pourtant, et de la manière la plus brutale et la plus terrifiante qui soit, l'arme chimique a fait sa réapparition à l'occasion d'un bombardement perpétré dans la banlieue de Damas, le 21 août 2013. Les images insoutenables d'enfants agonisant sans blessures apparentes sur le sol carrelé d'hôpitaux lugubres marqueront pour longtemps les esprits. L'immense émotion que cette attaque a suscitée dans le monde entier a conduit la communauté internationale, sous l'impulsion de Paris et de Washington, à s'immiscer directement dans le conflit syrien et à exiger du régime de Damas, en le menaçant de représailles, qu'il procède au démantèlement de son arsenal chimique militaire. La crise syrienne sera-t-elle le dernier soubresaut d'une classe d'armes sur le point de disparaître totalement de la surface de notre planète ? Ce n'est pas impossible.
La crise syrienne et sa dimension chimique
La « ligne rouge »
Si le spectre des armes chimiques planait sur la guerre syrienne depuis de longs mois, le dramatique épisode du mois d'août 2013 a constitué le point culminant de la dimension chimique du conflit. Dès la fin de l'année 2012, puis au cours du printemps 2013, plusieurs allégations d'emploi de ces arsenaux avaient déjà fait surface, en particulier le 19 mars à Ataybah et près du village de Khan al-Assal non loin d'Alep, après une première alerte similaire à Homs en décembre de l'année précédente. Lors de ces trois événements, des quantités limitées d'armes chimiques auraient été utilisées dans le cadre d'opérations militaires. Chacun des camps belligérants rejeta la responsabilité de leur usage sur la partie adverse. En dépit de rapports émanant de services de renseignement occidentaux qui laissaient peu de doute sur la nature chimique de ces épisodes et sur la culpabilité du régime de Bachar el-Assad, les chancelleries occidentales ne possédaient pas, à cette date, de preuves indubitables pouvant permettre d'impliquer Damas - ce qui était d'autant plus compliqué que le pouvoir syrien était fermement soutenu par la diplomatie russe dans ces dénégations. Le 28 mai 2013, le secrétaire d'État américain John Kerry devait se contenter de déclarer, sans doute en ayant à l'esprit le fiasco du précédent des armes de destruction massive irakiennes : « Si les États-Unis disposent de fortes présomptions d'utilisation d'armes chimiques par le régime syrien, ce ne sont que des présomptions et non des preuves ; or il est nécessaire d'obtenir des preuves pour porter cette question devant des instances internationales multilatérales. »
C'est à cette période que le décrié concept de « ligne rouge » fit son apparition. Cette expression, utilisée pour la première fois par un officiel de la Maison Blanche le 25 avril 2013 lors d'un point presse, se voulait une menace explicite adressée au régime syrien, lui signifiant que les États-Unis (mais …
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