La puissance se définit par la capacité d'un homme, d'une entité économique ou d'un État de contraindre ou d'influencer d'autres hommes, entités ou États (1). Elle désigne un potentiel mais ne peut rester virtuelle et n'a de sens que si elle s'applique. Elle suppose donc la souveraineté qui assure l'autonomie de décision ; la légitimité de l'autorité qui en use ; et l'efficacité des instruments qu'elle déploie, du hard power (le rapport de force diplomatique et la menace de la force armée) au soft power (le droit et l'économie, la langue et la culture). Ses vecteurs et ses formes dépendent de la configuration historique dans laquelle elle se déploie.
L'évolution de la puissance française
Depuis le début du XXe siècle, la France a connu quatre systèmes stratégiques. L'Europe d'avant 1914, héritière de la civilisation libérale du XIXe siècle, qui dominait le monde et concentrait toutes les grandes puissances. Le temps des grandes guerres en chaîne, avec leur cortège de crises économiques et de révolutions totalitaires. Le monde bipolaire de la guerre froide où l'Europe était à la fois le symbole de la division idéologique entre les blocs et le principal enjeu de la rivalité entre les deux superpuissances, États-Unis et Union soviétique. Enfin, la mondialisation qui a émergé à partir de la fin des années 1970 avant de connaître une formidable accélération en 1989, avec la chute du mur de Berlin et l'effondrement de l'empire soviétique.
La mondialisation s'articule autour de deux forces d'intégration - le capitalisme universel et les technologies - et de deux forces de segmentation : le basculement dans un monde multipolaire sans superpuissance pour le réassurer, comme le firent le Royaume-Uni au XIXe siècle ou les États-Unis au XXe ; l'existence de cultures, de systèmes de valeurs, d'institutions politiques radicalement hétérogènes. La mondialisation a permis le décollage du Sud qui représente 52 % de la production industrielle, 48 % des exportations et 34 % de la demande mondiale tout en disposant de 80 % des réserves de change. S'il est vrai que le développement se diffuse sur tous les continents, permettant de réduire la pauvreté et de créer une nouvelle classe moyenne qui compte un milliard d'hommes, il est vrai, aussi, que des temps très différents se télescopent au sein de l'histoire universelle. Les États-Unis et la Chine luttent pour le leadership, pendant que l'Europe éprouve la tentation de sortir de l'Histoire. L'Asie et la Russie vivent au XIXe siècle avec un mélange de développement économique, de nationalisme, de conflits territoriaux et de rivalités de puissance. L'Afrique s'urbanise et s'industrialise à l'instar de l'Europe du XVIIIe siècle. Enfin, le monde arabo-musulman s'installe au temps des guerres de religion du XVIIe siècle décrit par Michel de Montaigne.
En 1900, la France était une grande puissance, forte d'un empire planétaire, de la quatrième économie et d'une des premières armées du monde. Elle était un acteur clé d'une Europe qui contrôlait 70 % des terres émergées et des 1,8 milliard d'hommes qui peuplaient la planète. À l'égal des autres …
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